Audiotels & Plateformes: voyance, dérives et escroqueries

Des pistes de solutions pour voir plus clair

La possibilité d’accéder, via internet , à des sites de voyance à toute heure du jour et de la nuit est devenue une chose si simple et si directe que le nombre de consultants consommateurs désirant calmer leurs angoisses existentielles n’a cessé de croître ces dernières années.

C’est bien connu, « le malheur des uns fait le bonheur des autres ». Dans ce domaine particulier de la voyance, des affairistes n’éprouvant aucun scrupule à exploiter la détresse humaine, ont anticipé avec l’habileté habituelle des escrocs la montée en puissance de ce phénomène non pas dans le but philanthropique d’aider des personnes en difficulté mais bien en raison des extraordinaires perspectives de gains que cette détresse leur garantissait.

A titre d’exemple dans sa page d’accueil Wengo  affiche fièrement : « depuis sa création jusqu’au 29 août 2012 1.618.976 consultations ont été décomptées et 1.615 consultations pour la seule journée du 29 août 2012 ».

Les consommateurs consultants appartiennent à toutes les classes sociales et toutes les professions, aucune n’est épargnée.

Si l’on multiplie le nombre de consultations par leur cout à la minute compris suivant les voyants entre 2,80 et 7euros , ont peut aisément imaginer les chiffres d’affaire faramineux réalisés par ces sites audiotels.

Il convient de préciser que d’une façon générale c’est la direction du site qui encaisse le prix de la consultation et qu’elle n’en rétrocède qu’une modeste partie aux voyants en leur concédant des avantages si ils parviennent à fidéliser la clientèle.( Ex :notamment lorsque le client rappelle dans les 30 jours) .La tentation alors est forte pour le voyant de faire des prédictions de complaisance qui incitera le client a rappeler ou à consulter d’autres voyants lorsque les prédictions annoncées ne se réalisent pas dans le délai indiqué.

Ainsi ces dernières années sont apparues sur internet une multitude de plates formes vous proposant de consulter l’un de leurs voyants en les présentant comme « hautement qualifiés et expérimentés », voire même en les qualifiant « d’experts »

Ces plates formes et sites audiotels attractifs dans leur présentation, simple d’ accès et donnant l’apparence d’une totale transparence sont particulièrement séduisants pour des personnes en mal de vivre, traversant comme tout un chacun une période de crise ( isolement, maladie, abandon) s’interrogeant sur leur avenir ou sur toute autre question existentielle……..

Dans l’espoir le plus souvent vain et chimérique de pouvoir trouver un apaisement à leurs angoisses et leurs incertitudes du moment, ces personnes fragiles seront en quelques secondes et quelques clics mises en relation avec de prétendus médiums, voyants, tarologues, etc…. Dans la grande majeure partie des cas il s’agit en effet de pseudos voyants qui n’ont aucune compétence en la matière ni dans les pratiques spirituelles dites occultes auxquelles ils se réfèrent mais qui ont en revanche l’art et la manière de mettre leur client en confiance et en état de dépendance psychologique par des prédictions illusoires conformes à leurs attentes. La non réalisation des promesses faites dans les délais annoncées ne peut qu’inciter le consommateur à rappeler le voyant ou a en consulter un autre pour voir confirmer les prédictions. Dès lors le processus d’addiction se trouve enclenché. Le temps passé avec le voyant n’est pas mesuré par le client dont le seul objectif est de trouver une solution pour calmer ses angoisses.

La facture finale correspondante dépasse le plus souvent les moyens financiers du consommateur ce qui réactive et accroît les angoisses outre la honte de s’être laissé manipuler et de devoir révéler leur situation à des proches .

Même si sur leur fiche personnelle la plupart des voyants inscrits sur ces plates formes affirment haut et fort ne pas faire de la complaisance rien ne permet pourtant à celui qui envisage de consulter d’en juger.. Le système de notation ou d’avis du client qui doit s’effectuer dans un laps de temps très court n’offre pas le recul suffisant pour juger de la qualité de la prestation et de la véracité des prédictions sur le futur.

Le nombre de plaintes déposées par les consultants sur les pratiques de certains médiums voyants ou pseudo voyants est en constante augmentation, en proportion avec le nombre croissant de consultations. Ces plaintes révèlent que sur certains sites la qualité d’expert est totalement usurpée et qu’il s’agit en fait de commerciaux infiltrés dans le monde de la voyance afin d’escroquer en toute impunité des personnes en détresse.

L’INAD, association non lucrative, spécialisée dans la défense des consommateurs victimes des agissements de praticiens indélicats a jusqu’à ce jour été la seule organisation à assumer la défense du consommateur « escroqué ».Compte tenu de l’augmentation très importante des plaintes, il lui devient de plus en plus difficile d’assumer seule ce rôle.

Il est urgent que les pouvoirs publics (de la même façon qu’ils sont intervenus pour réglementer le crédit à la consommation afin de protéger le consommateur face aux organismes de crédit ou bien pour lutter contre les dérives sectaires: MIVILUDES), prennent le relai et interviennent pour assainir et réglementer une profession qui fait aujourd’hui et en l’absence de tout contrôle, le bonheur des escrocs . Il s’agit à l’évidence dans le cas qui nous intéresse d’une mission de service public dont l’Etat ne doit pas se désintéresser.

En l’état actuel aucune réglementation ne permet de bloquer le processus ci dessus décrit en amont et contraint le plus souvent le plaignant , en l’absence d’accord amiable sous l’intervention d’un médiateur comme l’INAD, de recourir à une procédure judiciaire toujours aléatoire dans son issue, sans compter les frais et honoraires d’un avocat auquel il faut nécessairement recourir et que la plupart des plaignants ne sont pas en mesure d’assumer.

En l’absence de réglementation contraignante sur les obligations des dirigeants des plates formes et sites audiotels de voyance, il serait à tout le moins moral que soit facilitée la recherche de la responsabilité civile ou pénale de ceux qui en premier bénéficient financièrement de cette gigantesque escroquerie. Pour autant il n’en est rien.

Si il est relativement aisé de rechercher la responsabilité pénale d’un voyant, médium, tarologue …t.ravaillant pour son propre compte sur le fondement de l’escroquerie à la voyance, l’abus de faiblesse et de vulnérabilité, mettre en cause la responsabilité pénale ou même civile des dirigeants des plates formes de voyance et sites audiotels s’avère beaucoup plus complexe et ceux-ci le savent bien..

Cette difficulté tient à la spécificité de chaque affaire qui interdit de poser des règles générales et qui dans la recherche de la responsabilité implique d’analyser au cas par cas la nature des liens contractuels ou non qui existent entre les diverses personnes en cause. (consultant, voyant, direction du site audiotel).

Il convient notamment de se poser les questions suivantes, la charge de la preuve incombant toujours dans toutes les hypothèses au plaignant

1° quelle est la nature du lien existant entre les responsables de la plate forme et le voyant, médium ou autre…… inscrit sur le site

Si l’on parvient à démontrer l’existence d’un lien de subordination entre eux , les dirigeants peuvent être déclarés civilement responsables du fait de leur préposé et donc tenu d’indemniser à ce titre la victime.

Ce lien de subordination peut se caractériser par divers éléments qui ne sont pas cumulatifs mais doivent être suffisants pour caractériser ce lien. Parmi ces éléments on pourrait notamment retenir :

la perception par la direction du cout de la consultation et le fait qu’elle détermine les conditions de rétrocession du prix en concédant des avantages à ceux qui fidélise la clientèle, la tenue de la comptabilité la fixation unilatérale des conditions et horaires de travail ( avantage à ceux qui travaille de nuit), tout ce qui manifeste un pouvoir de direction, de surveillance ou de sanction, ( classement des voyants, félicitations particulières, publicité faite en leur faveur, etc…….)

Toutes cela nécessite comme il a été dit ci dessus une analyse au cas par cas. Le recours à un avocat apparaît donc essentiel pour démêler les nœuds juridiques de chaque affaire. Les honoraires pratiqués dissuadent le plus souvent de mener plus avant la procédure.

Dans le cas ou ce lien de subordination serait retenu, le code du travail s’applique et les conflits existant entre les voyants et la direction du site relève de la juridiction prud’homale.

2° Avec qui le consultant consommateur a-t-il contracté? Avec le voyant lui même ou bien avec la direction du site?

On peut penser, (mais sans certitude) que même si les voyants déterminent eux mêmes le tarif de leurs consultations, le lien de subordination reste réel dès lors que ce sont en réalité les responsables du site qui encaissent les sommes , les répartissent conformément à leurs propres conditions tarifaires , cette répartition variant en fonction des performances du voyant, des ses permanences en heures creuses etc…….

Il peut également tenir au fait que ces sites proposent également des forfaits à l’année au prétexte d’une économie pour mieux retenir la clientèle.

Sans compter les nombreuses sollicitations et publicités adressées par internet ou par sms au moyen de fausses études de tarot, tous identiques quel que soit le client consommateur mais présentant pour celui qui le reçoit un certain caractère de vraisemblance parce que sont réutilisées les informations ( notamment les prénoms ) données lors d’une précédente consultation même gratuite.

Dans ces conditions, on pourrait à juste titre considérer que le véritable contractant du consultant consommateur n’est pas comme on serait tenté de le croire le voyant mais bien la direction du site .

La responsabilité de la direction pourrait être directement recherchée dans le cadre de la responsabilité contractuelle de droit commun notamment pour vice du consentement et tromperie sur les qualités substantielles attendues du voyant consulté présenté par la direction du site comme « hautement qualifié et expérimenté, ou comme « expert » en la matière, alors qu’en réalité aucune vérification de ses compétences n’a été réalisée lors de son inscription sur le site. La sanction d’une telle action est la nullité du contrat avec restitution des sommes versées et dommages et intérêts Il me semble plus contestable de pouvoir engager directement la responsabilité pénale des responsables du site ceux-ci n’étant pas les auteurs directs de l’escroquerie ou de l’abus de faiblesse, la simple tromperie sur les compétences affirmées du voyant ne pouvant constituer à elle seule le délit d’escroquerie.

Ces observations sont faites sous toutes réserves…….

Elles démontrent la complexité de mener à bien une procédure judiciaire et ses aléas au regard de la législation actuelle,

 Elles militent pour une réglementation en amont : C’est ainsi que l’on pourrait exiger :

1 – La délivrance d’une carte professionnelle aux seuls praticiens légalement déclarés ce qui aurait l’avantage de pouvoir les situer géographiquement,

2 – La création d’un département spécifique, similaire à la MIVILUDES, pour le contrôle, la surveillance, le recensement des praticiens des arts divinatoires et des pratiques ou mancies exercées dans la profession.

 3- la signature obligatoire à peine de nullité entrainant la restitution des sommes versées, d’un contrat pour toute consultation sur le même site qu’elle soit unique ou renouvelée dont le montant serait supérieur à 300 euros même si ces consultations sont réalisées par plusieurs voyants du site, ce contrat devant préciser l’objet de la consultation et le tarif appliqué

4- que les professionnels déclarés « expert » ou présentés comme « hautement qualifiés ou expérimentés » soient tenus d’une obligation de résultat quelque soit le montant de la consultation dès lors que des prédictions datées ont été faites ,

5- que la charge de la preuve que le praticien inscrit sur le site à les compétences d’un« expert » en la matière ou qu’il est « hautement qualifié ou expérimenté » incombe à la direction du site qui devra sous peine de voir engager de plein droit sa responsabilité personnelle* pouvoir justifier avoir procédé à toutes vérifications utiles quant aux capacités réelles de ce praticien .

Il ne s’agit là que de quelques suggestions qui n’en excluent aucune autre.

On peut penser que si même seules quelques unes de ces mesures étaient mises en application, elles feraient fuir beaucoup de pseudo-voyants autoproclamés limitant de ce fait les pratiques abusives et réduisant d’autant les scandaleux chiffres d’affaire réalisés par les directions des sites-audiotels.

Marie B.

*http://inad.info/blog/presse-ecrite/377-audiotel-abus-de-faiblesse-et-dr

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