Coup de gueule d'une voyante

Je viens vers vous apporter mon témoignage, de l’autre côté de la voyance. Je fais partie des professionnels des arts divinatoires. Le but est de réveiller mes anciens « collègues » mais aussi d’appuyer les mises en garde de l’INAD et de certains professionnels qui animent les débats.

Après avoir exercé pendant plusieurs années dans mon cabinet personnel, en ville, j’ai été frappée par des problèmes médicaux qui m’ont obligée à fermer. Mais les charges courraient et les assurances des professions libérales bien au –dessous de ce que l’on peut en attendre au vu de ce que cela coûte. J’avais entendu parler des cabinets par téléphone par des clientes. Certaines semblaient satisfaites mais frustrées. Je me suis dit que j’allais essayer de gagner les quelques euros dont j’avais besoin pour boucler mon exercice en exerçant de cette façon. J’ai opté pour le portage salarial afin de ne pas faire grossir mes dettes liées à mon activité indépendante.

Il ne m’a fallu que 3 mois pour voir que mon travail nourrissait grassement le cabinet et la société de portage. En gros pour 1h générée de travail, je ne percevais à l’arrivée que 1.40€. Il a donc fallu que je travaille même d’avantage que lorsque j’avais mon cabinet en ville ! En effet avant je travaillais en moyenne 30h par semaine et j’arrivais à me sortir l’équivalent d’un smic pour le même nombre d’heures. Là, je travaillais 70h par semaine pour une moyenne de 600€ par mois ! Pour essayer de gagner plus en travaillant moins je suis entrée dans la spirale de la recherche DU cabinet auprès duquel je pourrais avoir des revenus confortables tout en travaillant à ma manière. Je suis passée par Etoile de Vénus qui me changeait sans arrêt mon planning, en me mettant à des horaires non rentables car je générais peu. Je me suis faite remonter les bretelles car j’annonçais des non-retours. Du coup on m’a fermé aux consultations privées. Je ne gardais pas les clients assez longtemps.

Je suis passée par ABC Mégane qui après m’avoir écoutée m’a dit que mes consultations n’avaient rien de spectaculaire. Cela faisait déjà 2 semaines quand elle m’a demandé avec quel support je travaillais. Après avoir répondu « papier-stylo », elle m’a vivement conseillé de prendre un jeu de cartes (32, 7 familles peu importe…) afin de le taper sur mon bureau pour que le client entende quelque chose.

Je suis passée par Jelissa, qui appelait comme une furie si après une permanence audio, le ratio n’était pas atteint et menaçait constamment de virer car il y en a 10 qui attendent la place ! Je suis passée par Medeline, qui « oublie » de payer et qu’il faut rappeler. Et si on ose réclamer, on est déconnectée sans préavis. Je suis passée par de nombreux petits cabinets qui sont honnêtes vis à vis de leurs voyants mais ne testent pas et embauchent n’importe quelle personne qui se prétend médium. J’ai postulé pour Wengo. J’ai eu un entretien suite à l’envoi de mon CV (à leur demande) d’assistante commerciale. L’entretien était simplement basé sur mes compétences commerciales. A un moment j’ai pensé qu’ils s’étaient trompés et pensaient que je postulais pour un poste commercial. J’ai osé dire que je voulais travailler comme médium et la réponse effarante : oui je sais….mais un voyant est un commercial qui vend de l’avenir non ?

Un beau jour, je n’en pouvais plus car finalement, je ne gagnais pas ma vie, même en reprenant le statut libéral. Et en plus j’ai pris conscience de ce que cela coûtait aux clients. J’ai vu comment ils étaient traités lorsqu’ils osaient réclamer. J’ai vu comment les voyants se les « passent » en donnant déjà les grandes lignes de ce qu’il faut dire. Chez Jelissa, la secrétaire vous donne même déjà les infos de la cliente avec le sujet de son appel, avec en sous-titre ce que le cabinet attend de nous comme réponse. J’ai donc pété un câble comme on dit. Poussée à bout par ces cabinets. Harcelée par les clients mécontents auxquels on n’ose rien dire. Si je tentais de les diriger vers l’INAD, j’étais immédiatement coupée et pénalisée. Et surtout, jamais je n’avais le temps ou la possibilité de travailler comme j’en avais envie. Et j’ai souvent raccroché frustrée, mal au cœur, des nausées parce que j’avais fait « de la merde ». J’avais de la peine. Et je me détestais de faire ça. J’ai tout arrêté et il m’a fallu 3 mois pour que j’accepte de répondre de nouveau au téléphone ou aux mails de mes clientes que j’avais gardé. Mes messages sont ceux-ci : A ceux et celles qui travaillent sur ces cabinets audiotel ou les plate-forme : Votre mission est de guider des personnes en détresse et de leur apporter votre aide grâce à un don que l’on vous a donné. Comment acceptez-vous que ce soit un compteur qui gère le temps nécessaire ? Comment vivez-vous après une consultation coupée alors que vous avez encore tant de chose à dire à la personne ? Comment acceptez-vous d’engraisser des personnes pour qui c’est seulement un business et qui ne croient même pas en la voyance ? Donner à boire à quelqu’un qui a faim ne sert à rien ! En acceptant ce business vous vous rendez complices de centaines, de milliers d’agressions morales et de blessures psychologiques parfois irréversibles !

A ceux et à celles qui consultent ces cabinets : Vous êtes tracés ! Tous autant que vous êtes ! Dès que vous appelez une fois, votre numéro est capturé (Petite parenthèse : dans un cabinet, le directeur faisait lui aussi des voyances, et avec votre numéro de téléphone, il faisait le coup du « vous êtes de la région X, non ? Vous habitez une maison…Il y a ce numéro.. etc.. Tout cela grâce à son assistante directe qui utilisait l’annuaire inversé et Mappy juste avant que l’appel soit pris). Si vous appelez pour une consultation privée, une fiche est créée et tous les voyants du même cabinet vous diront la même chose. Beaucoup de voyants exerçant dans des cabinets différents se connaissent et parlent de vous. Certains font du spectacle mais travaillent avec des logiciels que certains cabinets proposent aux voyants. A l’heure actuelle, je suis convaincue que moins de 5% des voyants sur ces cabinets le sont réellement. Les autres sont de fins psychologues avec des diplômes de commerciaux en poche.

Combien faudra-t-il de victimes pour que les vrais voyants réagissent et que les clients cessent de se raccrocher à des personnes justes gentilles ?

Il faut que cela cesse. Et vite ! Afin de garder le peu de crédibilité que certains ont encore et pour sauver les arts divinatoires. Leur redonner la place qu’ils avaient, avant.

Sylvie

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