TRAVAUX OCCULTES : une escroquerie bien organisée

S’il y en a qui ne connaissent pas la crise, ce sont bien les escrocs qui proposent des travaux occultes. En ces temps égoïstes où chacun pense à ses infimes petits malheurs plutôt qu’à la détresse des autres, certains ont compris qu’il pouvait être facile de “faire de l’argent” en abusant de la crédulité ou des envies de leurs contemporains. Les travaux occultes sont devenus l’El Dorado du troisième millénaire. En moins fatiguant; car il suffit d’un peu de bagout pour soutirer des milliers d’euros à des personnes en situation de détresse morale et financière. Le tout sans bouger de son fauteuil. La carotte et le bâton Depuis plus de tente ans, l’Inad n’a de cesse de dénoncer la technique des arnaqueurs des arts divinatoires. En résumé, il s’agit tout simplement de souffler le chaud et le froid sur le moral des clients. Promettre du malheur pire que les sept plaies d’Egypte, puis donner de grands espoirs aux victimes désespérées. Mais au goutte à goutte bien sûr, de façon à soutirer le plus d’argent possible à ces gens en mal de bien-être. La méthode est simple: il suffit d’être à l’écoute (ou de faire semblant) du “client”, afin de lui compter un avenir qu’il appelle de toutes ses forces. Un truc tout bête que l’on apprend dans toutes les écoles de vente et qui est très bien utilisé par les arnaqueurs de tous poils. Et quand on tombe sur un os, c’est à dire sur un faisan qui s’aperçoit qu’on est en train de le plumer, il vous suffit de balancer quelques menaces appropriées pour calmer soupçons et réclamations. Ni vu ni connu je t’embrouille, le tour est joué et l’argent a changé de mains.

Les as des escroqueries La plupart des arnaqueurs se contentent de soutirer quelques centaines d’euros à leurs victimes. Gentillet quoique pas bien du tout. Mais il y a des petits malins très mal intentionnés qui ont choisi de donner dans le grandiose. Ils ont opté pour les travaux occultes, un truc plus facile et moins dangereux que le trafic de drogue ou le braquage de banque. C’est donc en racontant des sornettes à un public prêt à tout croire que ces personnes de mauvaise intention engrangent des milliers d’euros. Et croyez moi, ces escrocs se creusent moins la tête qu’un écrivain et ne perdent pas leur temps à trifouiller des cartes de tarots.

C’est pas cher… Pour se lancer dans les travaux occultes, nul besoin d’engager de grosses sommes d’argent. II suffit d’un ordinateur et d’un téléphone. Un petit logiciel pour créer un site internet, histoire d’avoir pignon sur web, une ou deux publicités dans des magazines à fort tirage et le tour est joué. Pas besoin non plus d’avoir des dons de voyance, de magnétisme ou autre, il suffit d’avoir de l’imagination. Et de l’imagination, nos amis les arnaqueurs en ont à revendre. A tel point qu’ils pourraient se recycler dans l’écriture de scénarii pour Hollywood. Car, à lire les témoignages de leurs victimes, on se demande où ils vont chercher tout ça. C’est facile Mieux organisés que des pêcheurs au gros, les travailleurs de l’ombre ne connaissent pas d’égal dans l’art de soutirer de l’argent à leurs victimes. En premier lieu, la victime est ferrée par un voyant-médium-astrologue, 1er prix du salon mondial de la voyance de Trifouillis-les-Oies. Lequel pratique un interrogatoire en règle sur la vie privée er professionnelle du client. Facile, il suffit de prendre un air compatissant: les gens désespérés ont juste besoin d’une oreille attentive et compréhensive. Sauf que dans ce cas-là, l’oreille attentive se fait payer. Allez hop, 80 euros dans l’escarcelle. Les petits euros faisant les grandes fortunes, la suite coûtera beaucoup plus cher. Car le problème est grave, extrêmement grave. D’ailleurs, on n’a jamais vu situation plus désastreuse. Forcément. Donc la seule solution possible est de réaliser un travail occulte. Mais voilà, notre travailleur de l’ombre a un emploi du temps très chargé. Très très chargé. Voire extrêmement très chargé. Mais… Comme le cas en question est extrêmement très grave, notre sombre travailleur demande dix minutes de réflexion. Juste histoire de choisir avec ses collègues par quel menu la victime va être dépouillée de ses maigres économies. En d’autres termes, notre Darth Vador de la parapsychologie imagine quel travail, aussi occulte que loufoque , il va pouvoir proposer à sa victime, pour en tirer un bénéfice maximum. Et ça rapporte gros Hors donc, après dix minutes d’attente fébrile, notre pauvre hère reprend son téléphone dans l’espoir d’une réponse positive de la part de son occulte bienfaiteur. Et là, ô miracle, notre escroc lui annonce qu’extrêmement très exceptionnellement, et parce que le cas est extrêmement très grave et extrêmement très urgent, il accepte de partir dans un pays extrêmement exotique pour acheter des potions extrêmement rares et effectuer un travail occulte extrêmement très complexe et extrêmement très dangereux. Et qui va coûter extrêmement très cher, cela va de soi. Quand vous êtes dans une détresse profonde et qu’on vous garantit que tout va s’arranger, vous raquez sans rechigner. Une fois, deux fois, dix fois s’il le faut. Même si vous devez hypothéquer votre maison et liquider la ménagère de mémé. C’est ainsi que des dizaines de personnes vident leurs comptes en banque, empruntent de l’argent et vendent leurs biens dans l’espoir de voir revenir un mari volage, de guérir d’une grave maladie, de retrouver l’usage de leurs jambes ou simplement de retrouver du travail. Et c’est ainsi que des sociétés occultes se font grassement payer (1000, 2000, 10.000, 150.000, 300.000 euros) pour des travaux si occultes qu’ils en sont purement imaginaires.

Pourvu que ça dure

Evidemment, aucun travail occulte n’aboutit puisqu’il n’y a aucun travail. Le pays lointain, c’est la Côte d’Azur, la potion rare c’est le pastaga et le travail dangereux consiste à ouvrir une boîte d’olives fourrées aux anchois. Alors à un certain moment ou à partir d’une certaine somme, le client pose des questions à son bourreau. Que croyez vous que fait l’homme en rouge? Il profite du doute pour passer le relais à un autre spécialiste de l’arnaque. Car si le travail ne donne aucun résultat, c’est qu’il existe un blocage dans l’environnement de la victime. Non mais! Un parent, un ami ou un esprit lui veut du mal. Mais ça, c’est la spécialité de quelqu’un d’autre. Qui, bien qu’étant extrêmement très occupé, reprend l’affaire en main (extrêmement très compliquée) moyennant versement d’honoraires extrêmement plus élevés. Le plus triste dans l’histoire, c’est que ça marche! La victime gratte les fonds de tiroirs, s’endette un peu plus avec toujours cet espoir vain. Et ainsi de suite, de Patricia (qui se prend pour Pamela Anderson) à Stéphane, de Nicolas à Christophe, de Maurice à Jean, de André à Roméo, la victime passe de mains en mains et y laisse plume après plume. La devise des sociétés qui proposent des travaux occultes devrait être “Pour chaque problème, un travail occulte”. Pardon, je devrais écrire “pour chaque problème, il existe une arnaque”. Ces gens-là sont mieux organisés que l’administration. Même la mafia et son organisation sans faille ont du mal à soutenir la comparaison. Y compris dans le domaine des pressions psychologiques. Car quand une victime s’aperçoit qu’elle a été arnaquée et ose réclamer son argent, nos spécialistes du côté obscur de l’occulte ne s’embarrassent pas de principes. Ils sortent des placards une cohorte de démons aussi imaginaires que féroces. Comparée à ce que promettent les dieux de l’arnaque aux victimes qui se rebiffent, l’Apocalypse c’est du pipi de chat. Vous comprendrez alors que la plupart de leurs victimes, déjà fortement éprouvées par la vie, rentrent dans les rangs. Et pour ceux qui font mine de résister, il reste les menaces plus “musclées”. Bref, face à de pauvres gens sans argent, sans espoir et sans connaissances, le noir travailleur gagne à tous les coups…

Les artisans de l’arnaque Dans tout domaine, il y a les grosses entreprises et les PME. Pour les travaux occultes, c’est pareil: à l’ombre (si je puis dire) des grosses sociétés de l’arnaque, il y a les indépendants. Les artisans de l’occulte en quelque sorte. C’est le soi-disant marabout ou l’illuminé qui se prend tant et si bien pour un descendant de Jésus qu’il adopte un pseudonyme rappelant étrangement le Christ (ça aide pour emballer les victimes). Mais qu’ils se fassent appeler Monsieur Dialo ou Emmanuel Christ, les petits escrocs se donnent un peu plus de mal pour arnaquer leurs “clients”. Car en général ils travaillent “en direct” et ne peuvent se contenter d’un simple téléphone. Recevant leurs clients en cabinet, ils doivent soigner leur image, travailler la mise en scène. Certains sont même obligés de faire acheter à leurs victimes des ingrédients nécessaires à la réalisation des travaux occultes. Cela va de la poudre d’os de chauve-souris au poil de Schtroumpf grognon arraché sous un chêne centenaire par une nuit de pleine lune… Un marabout a même réussit à se faire offrir un appareil photo numérique, objet extrêmement très indispensable pour la réalisation d’un travail occulte, cela va de soi. Et grâce à ces efforts surhumains, nos occultes travailleurs indépendants de l’arnaque arrivent à récupérer quelques euros sans trop forcer. C’est moins que les sociétés de l’occulte organisé, mais en bûchant le coté mythomane, on peut se faire un petit salaire. Que voulez-vous, il faut bien vivre mon brave Monsieur. Allez, on ne va pas les plaindre: certains artisans de l’escroquerie aux travaux occultes arrivent tout de même à soutirer plus de 35000 euros à leurs victimes…

La morale de l’histoire Qu’ils soient organisés en société ou qu’ils travaillent seuls, nos extrêmement très gentils organisateurs de l’arnaque occulte ne font guère montre de scrupules. Car à la fin de l’histoire, leurs victimes se retrouvent sans le moindre sou, certaines étant carrément endettées pour de longues années. Parmi les personnes qui contactent l’INAD pour raconter leurs déboires, plusieurs ont fait des tentatives de suicides, d’autres ont vu leur état de santé se dégrader, d’autres encore ont perdu parents et amis. D’autres enfin se retrouvent à la rue, SDF comme ont dit. Et pendant ce temps-là, les rois de l’arnaque se dorent la pilule au soleil de Provence (la plupart de ces sociétés sont situées à Nice, Mouans, Marseille, Cannes, Le Cannet…). Ils comptent leurs millions au bord d’une piscine tandis que leurs victimes sombrent dans les tréfonds du désespoir. Que fait l’Etat? Il encaisse une TVA substantielle. Que fait la justice? Ce qu’elle peut, avec les moyens qu’elle n’a pas. Alors que faire? Arrêter de croire qu’un mari atteint du démon de midi puisse revenir grâce à un travail occulte. Arrêter de croire qu’on peut guérir du cancer par des incantations psalmodiées au fin fond de la savane africaine. Arrêter de croire que l’on peut retrouver du travail en ingurgitant de la poudre d’os de coq saigné le lendemain de la première pleine lune d’hiver. Parce ça n’existe pas. Mieux vaut chercher une aide morale ou financière auprès d’un proche, d’un ami, d’un psychologue ou d’un voyant honnête. Et en soi-même. Et puis peut-être faudrait-il commencer par ouvrir les yeux et le cœur sur les autres afin de se rendre compte qu’il y a toujours plus malheureux que soi. L’Abbé Pierre disait qu’en aidant les autres on se soignait soi-même. Mais que faire quand il est trop tard et qu’on a déjà versé des centaines, voire des milliers d’euros à un escroc pour de soi-disant travaux occultes? PORTER PLAINTE pour escroquerie, abus de vulnérabilité …, manipulation mentale ou exercice illégal de la médecine.

BERTRAND CAILAC

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