Depuis le 1er mars 1994, l’article R.34.7 qui punissait ceux qui font métier… Ou d’expliquer les songes a été abrogé.
L’exercice des arts divinatoires à titre professionnel est resté jusqu’à peu une activité interdite. L’article R.34 7° de l’ancien Code pénal punissait en effet jusqu’en 1994 de l’amende prévue pour les contraventions de 3ème classe “ceux qui font métier de deviner et pronostiquer, ou d’expliquer les songes”. Le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, ne reprend pas cette infraction, peu utilisée il est vrai, de sorte que désormais la profession d’astrologue, de voyant ou de médium est autorisée, conformément au principe de légalité qui veut que tout ce qui n’est pas interdit par la loi est permis. Le métier n’est pas pour autant spécialement réglementé. Aucun diplôme particulier n’est exigé, il n’existe pas d’ordre des professionnels des arts divinatoires, pas d’obligation particulière de concours, d’autorisation, d’enregistrement. Il n’existe pas non plus de conditions de capacité financière ou de capacité professionnelle pour se lancer dans le métier. Autrement dit, quiconque peut devenir du jour au lendemain astrologue ou voyant et en tirer des revenus, en faire son métier, même s’il n’a pas de connaissances approfondies des arts divinatoires, même s’il n’en a aucune. On voit d’emblée le danger de cette absence de réglementation. Toutefois, les professionnels des arts divinatoires ne baignent pas dans l’impunité et sont soumis à des textes généraux, que ce soit en matière fiscale, sociale, civile ou pénal.
C’est un travailleur indépendant. Les professionnels des arts divinatoires exercent le plus souvent en qualité de travailleur indépendant, en dehors de toute structure. À ce titre, et comme tout travailleur non salarié, ils sont soumis à une obligation de déclaration de début d’activité, aux fins d’informer l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale. Dans un but de simplification, cette déclaration peut être effectuée au moyen d’un formulaire unique, auprès d’un centre de formalités des entreprises (qui se trouve dans les chambres de commerce, les Urssaf ou les centres des impôts), qui se chargera ensuite de transmettre un exemplaire de cette déclaration à chacune des administrations concernées. En l’absence de déclaration de début d’activité, le professionnel est passible des sanctions pénales pour exercice d’un travail dissimulé (ou travail au noir), à savoir deux ans d’emprisonnement et 200000 francs d’amende maximum (articles L.324-9, L.324-10 et L.362-3 du Code du travail). Par la suite, chaque année, le professionnel est astreint, sous les mêmes sanctions, à l’obligation de déclarer ses revenus non salariés tirés de son activité, afin que soit calculé le montant de ses impôts et celui de ses cotisations de sécurité sociale. Le professionnel doit ainsi verser, selon un échéancier variable, des cotisations d’assurance maladie, des cotisations d’assurance vieillesse et invalidité, des cotisations contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au redressement de la dette sociale (CRDS), dont les montants sont proportionnels aux revenus professionnels. S’agissant de l’impôt sur le revenu, les revenus tirés des arts divinatoires et des sciences occultes sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
L’exercice des arts divinatoires revêt des formes de plus en plus variées. Des consultations classiques en cabinet, on est passé aux techniques de communication à distance : téléphone, minitel, Internet. En outre, les professionnels ne se cantonnent plus aux activités de consultations mais donnent des cours, écrivent des livres, conçoivent des logiciels, vendent des “produits dérivés” (du jeu de cartes de tarot à l’élixir miracle, en passant par toutes sortes de pentacles, amulettes et autres médailles du bonheur). Quelle que soit l’activité exercée et sa forme, le professionnel est soumis à un ensemble de textes épars, par exemple ceux relatifs à la vente par correspondance ou ceux portant sur la publicité des prix. Pour se limiter aux activités de consultation, l’astrologue ou le voyant ne peut faire n’importe quoi. La consultation est d’abord un contrat passé entre le voyant et son consultant : à ce titre, les parties doivent contracter de bonne foi et exercer un choix éclairés. En cas de vice du consentement (dol, erreur, contrainte), le contrat est nul et le consultant peut demander le remboursement des sommes versées, voire des dommages et intérêts. Il pèse par ailleurs sur le professionnel des sciences occultes une obligation de moyens : il doit utiliser ses connaissances pour dresser le portrait du consultant et parvenir à ses prévisions. Si tel n’est pas le cas, par exemple si l’astrologue a promis ou laissé croire à une étude personnelle alors qu’il a eu recours à un logiciel informatique, il manque à son obligation de moyens et le consultant peut obtenir remboursement des sommes versées, sans préjudice d’éventuels dommages et intérêts. Enfin, dans certains cas, il est possible de retenir à la charge du professionnel une obligation de résultat: ainsi des marabouts qui promettent un retour affectif, la réussite à un examen, des gains aux jeux d’argent, ou encore des voyants et autres médiums purs qui garantissent à 100 % l’exactitude de leurs prédictions ou promettent le remboursement des sommes versées en cas de non réalisation de celles-ci. À défaut de réalisation de l’événement, il y a lieu de considérer que le contrat n’a pas été correctement exécuté. Le consultant peut donc être indemnisé.
Les voyants dans la ligne de mire de la loi pénale !
Les sciences occultes et les arts divinatoires abus, puisqu’il s’agit de suppositions sur l’avenir, par définition invérifiables au moment où elles sont formulées. À côté du praticien consciencieux, qui peut aller jusqu’à informer son consultant de la relativité de ses prévisions, de nombreux astrologues, voyants, devins, médiums savent jouer de la crédulité et de la misère humaine pour tirer le maximum d’argent de leurs clients. Toutefois, si l’activité de voyant est libre, certains abus sont réprimés par la loi pénale. De ce point de vue, deux infractions sont souvent retenues à l’encontre des charlatans de tout acabit : l’escroquerie et la publicité mensongère. L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne et de la déterminer ainsi à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 2 500 000 francs d’amende maximum (article 313-1 du Code pénal).
Les affaires dans lesquelles des voyants ont été condamnés sont édifiantes et d’une variété déconcertante. En règle générale, le professionnel ou supposé tel a impressionné ses clients par le biais d’une mise en scène, pour leur faire croire à un pouvoir surnaturel et les amener à verser d’importantes sommes d’argent. Des recours sont donc ouverts à l’encontre des voyants véreux et le consultant lésé peut toujours porter plainte. En l’absence de tout préjudice, c’est à -dire même si aucune personne n’a eu recours aux services du devin ou du voyant ou n’a été trompée, des poursuites pour publicité mensongère sont également possibles. H s’agit de la publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l’objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l’annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires. La publicité de nature à induire en erreur est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 250 000 francs maximum (articles L.121-1 à L.121-7 du Code de la consommation). En définitive, si le métier de devin n’est pas spécialement réglementé, il est enserré par un ensemble de règles et prescriptions générales qui s’appliquent à toute activité professionnelle. C’est une considération que certains voyants oublient facilement, croyant à tort baigner dans l’impunité la plus totale.
Harald Renout, Diplômé d’études approfondies en droit pénal et sciences criminelles