Les charlatans se régalent
Les charlatans se régalent, mais au bal des vampires, seuls les désespérés sont perdants.
Deviner l’avenir: sans doute le deuxième métier le plus vieux du monde. Depuis que l’homo est devenu sapiens, il veut tout connaître son avenir. Il y a dix mille ans, on lisait les entrailles d’un poisson pour savoir par quel grand fauve on allait être mangé. Aujourd’hui, on se fait tirer les cartes pour savoir si un petit bout de soleil va réchauffer notre avenir. Dans une société où, hormis le temps d’une grande émission caritative, on se fout de tout le monde sauf de soi-même, petits soucis et gros pépins nous envoient chez un professionnel des arts divinatoires. Qu’importe le support (tarot, boule de cristal, ordinateur) du moment qu’on ait la réponse à une question primordiale: vais-je aller mieux?
Face à tant d’interrogations, de nombreux professionnels des arts divinatoires ont choisi de mettre un don réel au service de leurs concitoyens. Comme on ne peut plus vivre sans argent, ils demandent une rémunération juste pour leur travail. Malheureusement, à côté de ces gens honnêtes, il y a des personnages aux desseins plus sombres: les charlatans. Ceux-là ont également un don, mais rien de surnaturel là-dedans. Ils ont juste le don d’imaginer les histoires les plus farfelues pour vider les comptes bancaires et la vie de leurs victimes. Trop fainéants pour écrire de belles histoires, trop minables pour jouer la comédie dans un théâtre, trop peureux pour être de vrais gangsters, ces êtres au karma nauséabond ont trouvé un filon à leur portée. Installés dans un décors kitchissime ou cachés derrière un numéro de téléphone, ces énergumènes capables de vendre leur mère pour une gourmette en toc n’ont aucune vergogne à s’attaquer aux plus faibles d’entre nous pour assouvir leur soif d’argent.
Il faut dire que la tâche est aisée. Un téléphone, un bureau, quelques pubs dans des journaux peu regardant sur la qualité des annonceurs, et le tour est joué. Appâtées par des promesses d’avenir meilleur, de gains exceptionnels ou de retour de l’être aimé, les futures victimes affluent comme des abeilles sur un pot de confiture. Forcément. Quand vos voisins ne connaissent même pas votre nom, quand votre propre famille s’intéresse plus au dernier éliminé de la Star’Ac qu’à vous-même, vous vous adressez à la première personne qui paraît encline à vous écouter, voire à vous épauler. Même si cette personne vous prend tout ce que vous avez en vous faisant croire qu’avec 20 000 euros de moins sur votre compte bancaire, votre avenir ne peut être que radieux.
Que faire pour éliminer ces charlatans qui représentent environ 70% des personnes pratiquant les arts divinatoires. Malheureusement, il n’existe ni aérosol ni super héros capable d’éradiquer ce genre d’individus spécialisés dans la manipulation mentale et l’exploitation de la souffrance. Alors quoi? Changer la société? Pas évident. Il y a tellement de boulot que même le bon dieu a renoncé depuis 2000 ans.
Depuis 1987, l’Institut National des Arts Divinatoires tente de faire bouger le gouvernement et le législateur afin que la profession des arts divinatoires soit reconnue et donc, réglementée. En vain. Bien que la plupart des hommes politiques consultent régulièrement, vous n’en trouverez pas un qui ait assez de courage pour mettre un coup de balai dans la cour de cette profession livrée à elle même. Dommage, il suffirait de peu, quelques lignes sur un Code pour rayer de la carte de France cet agglomérat de praticiens indélicats et de sociétés plus occultes que les sciences du même nom.
Depuis 1987, l’Institut National des Arts Divinatoires essaie de fédérer les vrais professionnels des Arts Divinatoires autour d’une charte qui garantirait à tous les consommateurs de pouvoir consulter un voyant ou un astrologue honnête. Ce code de déontologie constituerait un véritable engagement de la part d’un professionnel à faire bénéficier ses clients de ses dons ou enseignements de façon loyale et pour une juste rémunération. Malheureusement pour les praticiens, hormis quelques dizaines de professionnels consciencieux et attentifs à la réputation de leur don, beaucoup d’entre eux choisissent la solution de facilité qui consiste à feindre d’ignorer les dégâts provoqués par les charlatans. Ceci afin de pouvoir continuer à exercer leur métier tranquillement. En poursuivant cette politique de l’autruche, les voyants honnêtes vont laisser gagner du terrain aux charlatans, ce qui achèvera de jeter le discrédit sur l’ensemble de la profession. Alors messieurs les voyants, ouvrez les yeux et ayez un peu plus de responsabilité! Dans votre intérêt comme dans celui des consommateurs qui vous font confiance.
Buffy Brinogène
INAD: Comme on l’a précisé dans un article antérieur, le problème de la réglementation de la voyance sera évoqué pour la première fois à l’Assemblée Nationale, à la suite d’une intervention de Monsieur Patrick Lemasle, Député et Conseiller Général de la Haute Garonne, qui a posé une question écrite à Monsieur Brice Hortefeux , Ministre de l’Intérieur, de l’Outre mer et des Collectivités Territoriales (JO du 22 décembre 2009).