Voyance et Santé mentale

“L’homme se structure beaucoup plus par ce qui l’inquiète que ce qui le rassure”

Est-ce à la lumière de cette pensée que Dieu, le Dieu des monothéistes et surtout du judaïsme demeurera toujours l’objet de recherches permanentes et que dans ce processus de constant devenir, l’homme trouve au sens large des termes, les moyens de se structurer et de formuler sa personnalité?

La personnalité de chaque individu est constituée aussi d’une dimension qui le projette dans l’avenir, ce lendemain qui semble imprévisible, malgré tous les progrès d la science, de la connaissance. C’est cette dimension irrationnelle, illogique qui pousse l’homme aux plus grandes réalisations ou encore à une déchéance qu’il se trouve incapable de contrôler. Ainsi par exemple, ce sentiment si galvaudé, l’amour, s’inscrit dans cet irrationnel qui fait que des êtres s’attirent au départ sans évidence objective, et ce n’est qu’à posteriori que l’on se met à justifier cette attirance selon, naturellement, une référence à l’expérience première enfouie dans notre inconscient. Et même cette raison n’est pas suffisante, car “ I love” est différent, irrationnel, plus subtil que “I like”, rationnel et qui contourne bien son objet chez les Anglo-Saxons.

Pour l’homme que je suis, la voyance intervient pour me rassurer sur ce devenir mouvant, ce lendemain qui m’échappe pour le moment et induit cette angoisse qui me porte au mouvement. Elle dit que le rationnel que définit ma raison, ma connaissance, est achevé, terminé, dans sens que j’en vois les limites. L’esprit humain peut envisager l’infiniment grand jusqu’à une certaine limite au-delà de laquelle il s’agissait d’un trou noir indéfinissable, le tombeau peut-être. Et dans le domaine de l’infiniment petit dont le scientifique ne finit pas de repousser les limites, se trouve être les atomes qui seraient considérés comme des entités encore à décrypter. Ainsi, l’homme est toujours porté à vouloir en savoir plus sur lui-même d’abord et ensuite sur son monde, son environnement. Constitué par les êtres et les choses. Car après tout, la santé mentale peut se définir comme l’harmonie avec soi -même et avec son environnement. Mais la science étant pour le moment dans l’incapacité de parachever la connaissance de ces deux repères- le soi et autrui- la voyance intervient pour donner corps à cet irrationnel et rassurer l’individu sur son devenir et consolider cette dimension projective de sa personnalité. Ce qui évite à l’individu à défaut d’une expression normale de cette angoisse, de sombrer dans le langage tronqué de la maladie mentale : la folie

Il nous faut souligner ici que l’histoire de la médecine a révélé que les premiers thérapeutes étaient des devins qui s’en référaient aux forces occultes pour obtenir des guérisons. Ce n’est donc pas étonnant que dans nos milieux traditionnels africains, l’on consulte d’abord le devin avant de se rendre dans une unité de soin moderne, le dispensaire. Le malade est ainsi rassuré sur son sort, si l’appétit vénal d’un praticien de la médecine traditionnelle ne l’amène pas à se priver des soins rationnels appropriés à son cas de maladie organique. Notons ici que la médecine traditionnelle généralement basée sur la divination, donc la voyance, pour le diagnostic, a son champ d’efficacité surtout dans le domaine des maladies mentales. Une bonne moitié du nombre des états africains membres de l’Organisation Mondiale de la Santé, n’ont pas de psychiatres formés à l’Occidental. Les malades mentaux sont encore entre les mains des praticiens de la médecine traditionnelle avec une efficacité certaine. Cette médecine traditionnelle africaine met l’accent sur les problèmes des relations humaines et notamment de la famille élargie. Domaine privilégié dont se réclame la dénomination de Gourou décernée entre autres à Jacques Lacan en son temps.

Une étude peut-être à faire, révélerait probablement le parallèle du profil du client de la voyance et celui du patient en psychanalyse. C’est toujours une exploration de l’irrationnel qui s’inscrit dans l’inconscient qui est la motivation majeure de ces démarches - la différence entre ces deux procédures - la voyance et la psychanalyse - serait que la voyance est ponctuelle et d’une efficacité momentanée même si elle est projective, tandis que la psychanalyse introduit un processus d’évolution et un travail personnel de la part du patient. Toujours est-il que toutes les deux réveillent chez l’individu le désir d’en savoir plus sur son devenir, ce devenir qui l’angoisse. Cette angoisse est naturellement d’intensité variable chez chacun qui l’assume selon ses moyens. C’est ainsi que certains vont d’un voyant à l’autre sans jamais trouver de repère à leur mal-être qui finit par se traduire par des pratiques ésotériques et obsessionnelles qui inhibent tout effort à une évolution normale de la personnalité. En bref, la Voyance, depuis la nuit des temps a eu un rôle prépondérant dans l’équilibre mental de l’homme en lui désignant des repères dans sa vie affective, professionnelle, et sur sa santé. Ce ne sont, après tout, que des repères intuitifs auxquels le client doit appliquer son rationnel dans un contexte défini pour structurer son existence. Même si l’Astrologie se donne un cachet scientifique, ceci n’empêche l’irascible ou le lymphatique de faire des efforts pour contrôler ses instincts afin d’être maître de son destin.

Docteur Raymond .JOHNSON Psychiatre-Psychanalyste Consultant O.M.S. Président d’Honneur de l’INAD

Cet article a été publié dans Destins-OMBRES ET LUMIERES N°9

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