La magie et les pratiques occultes

Sur bien des points, Judaïsme et Islam présentent des similitudes dans les rapports qu’ils entretiennent avec les arts divinatoires. En effet, les alchimistes arabes ont reçu de l’antiquité grecque trois éléments distincts ayant contribués à favoriser leur approche mystique et physique des phénomènes naturels.

La mystique juive quant à elle, s’est mêlée aux courants grecs créant ainsi une orientation nouvelle depuis la fin de l’antiquité et durant tout le moyen-âge. Elle induit une communion avec la divinité. Le rituel dicté par la Torah acquiert un certain pouvoir magique. Seuls les religieux détenaient le pouvoir de prononcer des paroles divines. Les capacités magiques et rituelles de certains mots réapparaissent dans les incantations théurgiques.

La symbolique du cosmos intégrée au sanctuaire s’inscrit dans le champ ésotérique. Le temple représentant ce cosmos est divisé en trois parties qui correspondent au ciel, à la terre et à la mer.

Les sept branches du chandelier renvoient aux sept planètes, les douze pierres précieuses que porte, le grand -prêtre représentent à la fois les douze signes zodiacaux et les douze tribus d’Israël.

UN HERITAGE VENU DE LA GRECE ANTIQUE

Pour l’islam, le monde est perçu comme un vaste ensemble de relations en perpétuelle mutation. Le patrimoine philosophique et ésotérique hellénique, assimilé à l’islam, a légitimé la dimension spirituelle de cette science. Des recueils d’opération, des recettes, des procédés en métallurgie et pharmacopée ainsi que les concepts de la physique aristotélicienne selon laquelle le monde est une hiérarchie de choses (matière et forme) qui vont du minéral à Dieu. Des listes entières de formules consacrées à la définition des sciences profanes, religieuses, occultes, sont relevées dans le fameux « Livre des définitions. Les termes Jourhar (essence, substance), Sûra (forme, image), Tabîa (nature) et Rûh (l’esprit) constituent les éléments clés de ce langage. L’Aûre serait une « substance divine qui vivifie le corps.

LA KABBALE, TRADITION ISSUE DU JUDAISME

La mystique juive, relevant de l’héritage grec antique, est l’un des constituants essentiel de l’ésotérisme occidental. Les kabbalistes accordent autant de crédit à la vie cachée de Dieu qu’à sa manifestation intelligible. D’après la kabbale, le Dibbouk est un esprit qui possède l’être vivant.

Partant du principe qu’à chaque consonne de l’alphabet correspond une valeur numérique, le processus kabbalistique a pour objet un rapprochement de mots qui ont une valeur numérique identique. La pratique relève de la lecture et de l’interprétation de livres tels que la Torah (les cinq premiers livres de la Bible), le Zohar, le Zepher Raziel (grammaire de lettres-énergies.

La kabbale s’inscrit dans une démarche à la fois spirituelle et intellectuelle. Pratiquée par les initiés en quête de méditation, la talismanique est l’art le plus accessible de la kabbale. Il implique néanmoins la connaissance des systèmes évocatoires des hiérarchies évangéliques, faute de quoi les vertus des pentacles seraient extrêmement limitées. Le talisman est confectionné au cours d’un rituel et s’adresse à une personne en particulier.

UNE ASTROLOGIE ESSENTIELLEMENT LUNAIRE

Bien que l’astrologie soit interdite par la loi, il n’en demeure pas moins que la tentation suscitée par une ligne de conduite aussi catégorique soit omniprésente dans l’esprit de chacun. La notion de destinée est reconnue et développée par le Talmud qui relie la prééminence de trois faits: le nombre d’enfants, la longévité et les moyens de subsistance. La destinée préside toujours aux événements de la vie, mais elle est sujette à des retournements de situations. Ainsi, un malade agonisant changera de nom et de lieu d’habitation dans le but de modifier son sort. L’astrologie hébraïque accorde une importance aux sept jours de la semaine en établissant une correspondance entre le jour de la semaine spécifique du natif et les événements qui ont présidé à ce même jour lors de la création. Ainsi, les natifs du premier jour de la création (le samedi) sont soit entièrement bons, soit totalement mauvais.

LA MAGIE : UN SAVOIR TRADITIONNEL

Chez les musulmans, le fond commun islamique, l’héritage familial et le conditionnement social ont favorisé la transmission des croyances. Et l’on peut penser qu’au sein des autres communautés ce phénomène s’est propagé et perpétué de la même façon. Au fil du temps, le recours à des rites a induit une fonction psychosociale à l’égard du phénomène d’acculturation. D’où l’intérêt accru porté aux nombreuses croyances véhiculées par l’entourage. La magie fut la source commune de l’astrologie et de toutes les pratiques qui leur furent plus ou moins associées dans les sociétés de type traditionnel. La magie s’étend dans une sphère reconnue par l’islam, c’est le monde des esprits (les Djinns) Il est traditionnellement admis que les Djinns écoutent aux portes du ciel pour surprendre les secrets de Dieu.

L’âme religieuse est une âme prophétique, elle s’élève vers Dieu et les anges, se met à leur écoute, alors que l’âme magique abaisse les esprits sidéraux dans le but de s’en faire obéir. Les talismans par exemple, constituent de véritables pièges à esprits. La magie qui se place en dehors de toute considération morale est considérée comme étant satanique. Il y a bien donc, chez les musulmans, une distinction entre les magiciens incapables de produire le bien et les prophètes. La tradition orale, outil privilégié de la transmission du savoir au sein des civilisations orientales a élevé les récits légendaires au rang de discours référentiels, empreints de vérité irréfutable. Porteurs de messages, ils évoquent parfois les circonstances d’une scène d’envoûtement, d’ensorcellement.

Un mariage non consommé, la stérilité d’un individu, une possession diabolique, le mauvais œil, tant d’énigmes à travers lesquelles des personnes se reconnaissent. D’où ce recours fréquent à des tentatives d’assainissement de situations mal vécues par le biais des marabouts. Du linceul d’un mort qui servira à immobiliser tous ceux auxquels il sera présenté, du sang menstruel, des cheveux, des talismans, chaque objet confectionné se transformera en une arme puissante capable de délivrer du mal, de rendre le bonheur. C’est ainsi qu’une jeune fille, âgée de seize ans, se trouva le jour de ses noces, contrainte d’avaler des œufs durs sur lesquels un marabout avait pris soin d’ajouter des écritures afin de lui faire accepter le futur époux qu’elle s’obstinait à refuser puisqu’il était choisi par ses parents. Ces derniers obtinrent pour tout résultat de payer largement le marabout et la séparation du couple peu de temps après le mariage. Mais des tentatives vouées à l’échec, la croyance en de telles manipulations subsiste. Bien que certains jeunes aient une aversion profonde pour les manifestations du sacré, pour les superstitions, nombreux sont ceux qui suivent les traces de leurs ancêtres en adoptant leurs croyances. C’est ainsi que certaines pratiques sont transmises. Le sang menstruel additionné à un aliment permettra de conquérir à jamais l’amour de l’élu de son cœur, une fois que ce dernier l’aura évidemment consommé.

Chez le peuple juif, la sorcellerie est pratiquée de la même façon que dans les autres ethnies. L’un des épisodes de la Genèse apparaît déjà empreint de sorcellerie. Il s’agit de la rivalité entre Léa et Rachel autour de la personne de Jacob. Les éléments utilisés pour mettre fin à cette situation sont les racines de mandragore, connues pour leurs nombreuses vertus et dont les racines rappellent étrangement la forme du corps humain. Par ailleurs, les hébreux ont fait grand usage des « téraphîm », petites statuettes de bois parfois de forme phallique et que l’on croyait douées de paroles prophétiques. Sachant que les « téraphîm » ne représentaient pas Yahvé (Dieu), les juifs les utilisaient sans crainte, dissociant ainsi religion et pratiques magiques. Le sorcier hébreu pratiquait les envoûtements par imprécations, des malédictions à l’aide de poupées de plomb enserrées par un fil, lesquelles fondaient lentement à la flamme sacrée du chandelier à sept branches. Ces pratiques étaient néanmoins officiellement dénoncées. Le sel constitue, par ailleurs, pour les hébreux, l’élément magique par excellence. Pour préserver sa maison et la famille des mauvais sorts, il est recommandé de répandre du sel sur le seuil de la porte.

Pour guérir une personne souffrante, le sorcier transpose la maladie sur un animal. Le déplacement de malédiction sur un animal est fréquent. La magie rouge est essentiellement axée sur le sang humain, qui permet d’obtenir la réussite et de braver le destin ou les dieux. L’origine du fameux interdit du sang chez les juifs tiendrait au fait que le sang soit le support de l’âme. Après avoir sacrifié des êtres humains (les fils du roi Hiel, par exemple, furent incorporés dans la muraille et dans les portes de la ville lors de la reconstruction de Jéricho), les sorciers se sont rabattus sur les sacrifices d’animaux. Le sang menstruel et celui des animaux de consommation constituent l’apanage des sorciers. Ceux-ci s’emparent de l’âme en se livrant à des opérations maléfiques.

Dans la magie hébraïque, la main de gloire (parfois le pied) est constituée à partir de la main d’un pendu. Enveloppée dans un linceul, saupoudrée de salpêtre, de poivre, de sel et autres ingrédients, la main sèche pendant quinze jours au soleil. Elle fera par la suite, office de chandelier doté d’un pouvoir de stupéfaction et d’immobilisation.

Dans l’univers de la magie tout semble réalisable. Les textes des grimoires sont pris au pied de la lettre, les recettes sont assidûment appliquées. Il n’en demeure pas moins que de véritables charlatans usent de leur ruse pour exercer une emprise sur leur client. Car il s’agit là bien souvent de véritables transactions commerciales.

Certains maghrébins vivant en France se rendent jusqu’à leur pays d’origine pour conclure un marché avec la sorcière capable de les convaincre d’un miracle. Des sommes colossales leur sont réclamées. De nombreuses personnalités n’hésitent pas à se rendre outre Méditerranée afin de rencontrer celui ou celle dont la réputation a su s’étendre sans pour autant qu’il s’agisse d’une personne possédant de réelles compétences. Une fois encore il est très difficile de juger des compétences d’un praticien tant ce domaine brasse d’escrocs en tout genre.

D’un enseignement délivré à un nombre restreint de croyants, l’ésotérisme s’est très largement étendu du fait de sa conception symbolique et imagée. Les nombreux marabouts que l’on peut rencontrer à l’heure actuelle ne sont pas forcément ce qu’ils prétendent être. D’une identité fabriquée de toutes pièces, sous prétexte de transcrire la langue et d’interpréter des livres religieux de référence, certains pratiquent le désenvoûtement systématique des clients crédules venus à eux. Leurs actions s’inscrivent dans une démarche échappant à l’entendement. Cependant, toute personne émotionnellement fragile, en situation d’échec sentimental ou professionnel constitue la proie idéale des charlatans. N’ayant pas forcément pignon sur rue, ils sont néanmoins connus et possèdent une clientèle. En quête de l’inaccessible absolu, face à des interrogations de plus en plus pesantes, les adeptes de sorcellerie identifient les marabouts à des libérateurs. La décadence morale et religieuse des marabouts répond à des besoins impérieux résultant d’une oppression despotique exercée sur les individus. Sans scrupule, ils blessent, guérissent, endorment, réveillent mais réclament toujours ce qu’ils estiment être leur dû.

D’une science ancestrale, la magie a dévié vers des pratiques insidieuses et tellement insondables qu’elle suscite plus que la curiosité: une croyance dogmatique.

Yamina Guéham

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