UNE PROTECTION OCCULTE POUR 26000 €
A.M: un fort joli patronyme pour une âme bien laide. Petite fille, elle devait rêver en regardant la série des Angélique, marquise des anges. Devenue grande par la taille, non par le courage, la belle devait trouver sa petite vie bien triste au point de vue des images du monde servies par les magazines pipeules et sa tristounette petite télé recouverte d’un napperon rose et d’un mini pot de chambre en faïence de Li-mhoje en Chine. Et oui, n’est pas princesse qui veut, et le 69 ce n’est pas Monaco.
Mais Coco-la-Futée ne voulait pas en rester aux rêves. Certes elle avait de l’imagination, mais pas assez pour écrire une belle histoire d’amour ou un roman d’aventures chevaleresques. Aussi décida-t-elle un mauvais jour d’adopter un patronyme plus seyant. Ainsi relookée en AM DE …, elle pouvait aborder la vie sous un autre angle. Oh, on était encore bien loin des paillettes et dorures de la vraie noblesse et ce joli nom ne servirait qu’à assouvir de sombres desseins, mais l’ambitieuse AM pouvait alors démarrer sa nouvelle vie de super-méga-extra mais fausse voyante. Pour cela il suffisait d’une publicité mensongère insérer dans un magazine spécialisé.
Ainsi, dans sa publicité, A,M propose-t-elle de libérer le gogo d’une dépendance à l’alcool, à la cigarette, de trouver un travail, de faire revenir l’être aimé, de vendre une maison ou d’avoir un bébé. Faut pas se démonter, pour oser publier une pub où il est clairement indiqué que l’on peut réaliser des travaux occultes alors que cela est interdit par la loi! Pour cela, AM prétend disposer d’un arsenal allant des plantes à la magie (pour le bébé, elle prête son mari?). D’où tire-t-elle tant de dons? De son imagination, bien sûr! Mais si l’on en croit sa publicité, Colette la roturière tirerait tout ça de la royauté et de la force cathare. A l’école, mon professeur m’avait pourtant appris que les rois de France n’étaient pas très copains avec les Cathares. Bizarre. Ou alors le roi a voulu organiser un barbecue géant pour ses amis Cathares et vlan, pas doués, ils se sont brûlés tous seuls. Quand AM refait l’histoire, ça devient plus rigolo. Elle affirme même travailler avec les moines de la Grande Chartreuse. Pour une héritière de la force cathare, ça la fout mal de faire son business avec les représentants d’une religion qui ordonna la solution finale pour tous les Cathares. Je connais quelques parfaits qui doivent se retourner dans leurs cendres! A moins qu’elle soit en relation avec les moines de la Grande Chartreuse pour leur fameux breuvage… Ce qui expliquerait pas mal de chose. Pourtant, sur la bouteille, il est inscrit “à consommer avec modération”.
Qu’importe le délire, le résultat est là. Un très mauvais jour, Françoise tombe sur une publicité ventant les multiples mérites de AM. Le mari de Françoise est en phase terminale d’un cancer. Vous imaginez bien dans quel désarroi se trouve Françoise devant l’inéluctable mort annoncée de son cher et tendre époux. Heureusement et malheureusement pour Françoise, elle gardait le souvenir émouvant de sa grand-mère, une guérisseuse qui avait en son temps sauvé pas mal d’enfants. La brave femme avait dévoué sa vie pour les autres, au point que de nombreux médecins de l’époque lui adressaient leurs petits patients. En remerciement de son dévouement qui lui usait la santé, la grand-mère de Françoise ne demandait rien. Tout juste acceptait-elle les dons que lui faisaient des familles souvent pauvres: un poulet, un kilo de pomme de terre… Aussi Françoise pensait-elle que ladite A.M de Vénale était comme la regrettée Grand-Mère. Que nenni mon amie! Contre 1800 euros,A M la belette promet à Françoise qu’elle va faire quelque chose pour son mari qui ira forcément mieux. Forcément. Dix jours plus tard, le mari de Françoise est au plus mal. Les médecins le disent condamné à court terme. Françoise rappelle Ambrouilla de Valois. Cette dernière affirme qu’elle va bloquer la maladie pour la modique somme de 5000 euros. Non, finalement, ce sera 25000 euros sinon la maladie en question va sauter sur la fille de Françoise et la ronger de ses petites dents acérées. Déjà fortement déstabilisée à l’idée de perdre son mari, Françoise est complètement déboussolée par les affirmation hallucinogènes de ladite AM. Laquelle, au lieu d’offrir à Françoise la nourriture des dieux, lui sert le bouillon de onze heures, juste histoire de l’achever. Coincée entre le désir de sauver son mari et la culpabilité devant la maladie qui menacerait sa fille, Françoise craque, s’endette et verse à AM la belette-Furette les 25000 euros exigés. En échange, Françoise reçoit un contrat bidon où il es question de “temps de réfléchir” (quand on a un mari condamné à court terme!), de prise de conscience que “Madame AM prend tous les risques”. Tu parles, Charles son mari ! Traverser la rue pour aller déposer à sa banque un chèque de 25000 euros, sacré risque!
Au final, le mari de Françoise décède début septembre. C’était prévu sans voyance, juste avec quelques examens cliniques. Françoise téléphone à AM pour lui signifier son incompétence. L’autre ne se démonte pas et affirme tout de go à Françoise que son mari ne voulait plus vivre (comme s’il avait eu le choix!). Elle indique même à Françoise que son mari, qui l’aimait plus que tout, voulait tuer avant de mourir sa femme et sa fille. Cette dernière risquant de ce fait, soit d’être atteinte à son tour par la maladie soit de subir un grave accident. C’est le traditionnel subterfuge de la carotte et du bâton qu’utilisent tous les voyous voyants quand leurs victimes commencent à se rebiffer. Françoise n’étant ni âne ni mule, elle ne tombe pas cette fois dans le piège élaboré par AM. Elle contacte l’INAD qui tente d’intercéder auprès de la pseudo voyante pour négocier un remboursement ( même partiel) des sommes abusivement prélevées. Dans un premier temps, AM semble faire preuve d’une réelle noblesse en laissant croire accepter un accord amiable. Mais elle se rétracte et décide de garder le grisbi. Françoise se décide donc à porter plainte contre sa majesté des mouches. L’affaire est entre les mains de la Justice.
Quand une personne se fait avoir parce qu’elle fait tout pour récupérer un amour perdu, on pourrait à la limite trouver ça grotesque. Mais quand des individus profitent de la maladie et de la mort pour faire fortune, on aurait plutôt tendance à serrer les poings. Dans ce cas-là, on aurait même envie de rappeler à cette chère AM qu’il y a un peu plus de 200 ans, des nobles ont perdu la tête parce qu’ils avaient cru pouvoir spolier le peuple en toute impunité. Et à bien y regarder, on pourrait se demander si l’Etat, par son attitude passive vis à vis d’un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur, et les magazines qui publient de telles annonces en toute connaissance de cause ne seraient-ils pas complices de ces arnaques. Sans doute faudrait-il que quelqu’un les associe aux faux professionnels dans une plainte pour escroquerie afin que nos chers dirigeants prennent conscience de leur responsabilité dans ces affaires et qu’enfin ils adoptent les mesures nécessaires à faire cesser ce trafic du désespoir.
Buffy Brinogène