Voyance : l’espoir, le commerce et les dérives
Complément d’enquête du (France 2)
L’émission Complément d’enquête, diffusée le 30 octobre 2025 sur France 2, s’est aventurée dans les zones grises d’un univers où se mêlent mystique et marketing. Avec rigueur et un brin d’ironie, elle explore ce monde fascinant où la quête de sens, la détresse affective et la soif d’illusion se côtoient au fil des cartes.
Entre croyance sincère et commerce de l’âme. La voyance, à l’origine, est un art d’interprétation et d’intuition. Mais l’émission rappelle qu’à l’ère du numérique, certains ont transformé cet art ancestral en spectacle rentable, accessible en un clic et tarifé à la minute.
Une spiritualité emballée comme un produit d’appel, où la lumière intérieure se monnaye au prix du marché.
Fiola : la voyante de l’esbroufe
Difficile de passer à côté de Fiola, personnage haut en couleur qui s’illustre sur TikTok et ailleurs. Avec ses tirages flamboyants et ses grandes phrases creuses, elle incarne la voyance de boulevard, celle du buzz et du décor.
Un sourire calibré, un fond de musique mystique, et la magie opère, du moins, à l’écran. Ses cartes, souvent tirées plus vite qu’elles ne sont comprises, offrent moins une révélation qu’un numéro de scène. Fiola, c’est un peu la comédie de la voyance, une illusion bien huilée qui amuse autant qu’elle interroge.
Danaé : la manipulation derrière la foi
Autre figure majeure du reportage : Danaé, « sorcière » autoproclamée, connue de longue date de l’INAD, avant et après l’affaire Carla Moreau, pour ses pratiques illusoires.
Ses promesses de résultats garantis, adressées à des personnes souvent fragilisées émotionnellement, frisent la mise en scène d’une toute-puissance qui n’existe pas. L’émission illustre avec justesse cette dérive : quand la voyance devient outil d’emprise, la parole du praticien cesse d’éclairer pour commencer à enfermer.
Et la comédienne qui se prenait pour une voyante…
Impossible de ne pas sourire ou soupirer devant la comédienne invitée à tirer les cartes « pour s’amuser ». Elle rit, improvise, invente des destinées en direct, sous le regard complice des caméras. Un moment léger, presque burlesque, où la voyance devient un sketch.
On ne parle pas aux cartes, on les interprète.
Elles ne répondent pas, elles révèlent ce que l’intuition perçoit. Encore faut-il avoir quelque chose à interpréter, au-delà du scénario. L’ironie du sort veut que cette séquence serve de miroir : quand l’ésotérisme devient théâtre, il perd son âme et ne garde que les effets spéciaux.
Pour une éthique de la voyance
Le président de l’INAD a rappelé : la profession reste plongée dans un désert réglementaire. Aucune norme, aucun cadre, aucun contrôle véritable. Les voyants honnêtes et compétents se retrouvent dans le même sac que les illusionnistes de fortune.
Le SPPAD (Syndicat Professionnel des Pratiques des Arts Divinatoires), avec le soutien de l’INAD, s’efforce d’obtenir une reconnaissance officielle et de promouvoir une charte déontologique.
Objectif : protéger les consultants, mais aussi les praticiens sincères, de cette confusion permanente entre don et spectacle.
Une émission salutaire, un miroir utile
Ce Complément d’enquête n’a pas seulement exposé les abus : il a tendu un miroir à une société en quête de certitudes. Une société prête à croire à tout, pourvu que cela apaise.
Et face à cela, deux chemins : la sincérité ou la mise en scène. Oui, certaines « voyantes » abusent. Oui, certains « sorciers autoproclamés » manipulent. Mais beaucoup de praticiens authentiques, discrets, rigoureux, continuent d’exercer avec écoute, respect et humilité. Ce sont eux qu’il faut entendre, protéger et valoriser.
Il serait bon, il serait juste qu’un minimum de réglementation soit enfin instauré. La voyance mérite d’être encadrée, non pour la brider, mais pour la protéger. L’INAD et le SPPAD ouvrent la voie d’une voyance plus responsable, plus humaine, où l’interprétation reprend sa place face au spectacle, et où la vérité vaut mieux qu’une promesse vendue à la minute.