Affaire Lola : les limites de l’indécence

Lettre ouverte

Nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois quant à leurs pratiques frauduleuses, mais aujourd’hui les escrocs et les faussaires de la voyance ont fait le pas de trop. Nous les savions sans morale ni éthique, mais ils ont outrepassé des limites que nul ne pouvait envisager pour atteindre l’ignominie. Mise au point.

L’horreur est dans tous les esprits, sur toutes les lèvres ; placardée et relayée sur toutes les chaînes et médias. Elle parait tellement inconcevable qu’il est presque impossible d’en parler. Pourtant, les médias, sous le couvert de l’information et de l’indignation, s’évertuent à ressasser en boucle un crime que nul ne peut concevoir. Nous n’entrerons pas ici dans les détails sordides qui ont été exhibés sur un ton grave et obséquieux, nous insisterons surtout sur l’aspect qui nous concerne à L’INAD : la récupération et l’exploitation d’un fait abominable par des charlatans de la voyance à des fins mercantiles ou publicitaires. La déchéance de notre société semble telle qu’il est légitime de se poser la question : jusqu’où va-t-on descendre ?

James Ellroy l’a expliqué avec une féroce simplicité et une grande clarté au début de son roman « Un Tueur Sur La Route » : « Il existe une dynamique dans la mise en œuvre marchande de l’horreur : servez-la garnie d’hyperboles fleuries, et la distance s’installe même si la terreur est présente. Puis branchez tous les feux du cliché figuratif et vous ferez naître un sentiment de gratitude parce que le cauchemar prendra fin, un cauchemar au premier abord trop horrible pour être vrai ». C’est ce mécanisme bien connu des journalistes qui nous parait à l’œuvre chez certains de ces faussaires et profiteurs qui polluent le monde de la voyance. Inconsciemment ou pas, ces individus se mettent en scène et se posent faussement comme des révélateurs éclairés, intermédiaires « chargés » presque malgré eux d’un devoir d’information, voire de justice ou de vérité, prétendant pour faire valoir ce droit des dons plus fictifs les uns que les autres.

C’est le cas de certains(es) voyants(es) qui se sont autorisé(e)s à intervenir rapidement sur les réseaux sociaux via Youtube, laissant entendre que la petite Lola leur aurait communiqué d’entre les morts les détails de son horrible assassinat. Alors que des parents sont en deuil et dans une immense souffrance, jouer sur l’atrocité d’un meurtre et le désarroi d’une famille est immoral, inadmissible. Aujourd’hui, c’est directement le Ministre de l’Intérieur que nous interpellons : il n’est plus possible de laisser agir impunément de telles personnes aussi toxiques dans notre société. Il est grand temps de réguler cette profession et de bloquer les voies de communication à toutes celles et ceux qui profèrent de telles horreurs. Quand le gouvernement se décidera-t-il à reconnaître que les aberrations exprimées par ce genre de personne peuvent créer de véritables phénomènes de masses chez les plus fragiles, mais aussi finir d’achever des familles déjà écrasées par le poids de la douleur ? La famille de Lola a pourtant été claire dans sa déclaration au journal Le Monde publié en ligne le vendredi 21 octobre 2022 : « la famille demande d’arrêter d’utiliser « le nom et l’image de leur enfant à des fins politiques ».

Dans ce même article, président de la République Emmanuel Macron a estimé que la famille avait « besoin du respect et de l’affection de la nation ». Certes, cet appel au calme et au respect est remarquable, mais n’est-il pas lettre morte face au déferlement non seulement médiatique mais aussi à celui des « récupérateurs de malheurs » qui pullulent sur les réseaux ?
La limite a été franchie. Le plus étonnant, c’est de constater que de nombreuses chaînes de Youtubeurs ont été maintes fois supprimées pour des propos discriminatoires envers des communautés ou des catégories sociales (racisme, gays, femmes…) mais que des individus aussi nocifs surfant sur la vague du meurtre et de l’horreur ne font l’objet d’aucune censure. Que se passe-t-il ? Est-ce sérieux ? Nous ne croyons pas que celles et ceux qui dirigent notre pays sont dépassés par les dérèglements sociaux ! Quelles seront les conséquences de sans cesse laisser faire? Nous le répétons:’’ la pratique de l’astrologie, de la voyance et du maraboutage doit être prise au sérieux par la puissance publique. Ces activités ne peuvent plus être perçues comme de vulgaires activités de loisir inoffensives. Les charlatans, les escrocs et les illuminés de la voyance et du maraboutage ne peuvent plus être considérés comme des gagne-petit essayant d’abuser de quelques naïfs isolés. Non seulement cette activité non contrôlée et non surveillée est devenue un système organisé, mais dans ce cas présent il s’agit d’une intoxication à grande échelle des esprits par des personnes qui, si on les laisse faire, gagneront une influence croissante et contribueront à déstabiliser la société entière, laquelle est déjà fragilisée et fracturée depuis les évènements traumatiques en cascade (Attentats 2015, Samuel Paty, Covid, Ukraine…) qu’elle subit depuis plusieurs années.

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