Spiritisme: Mythe ou réalité

Allan Kardec, pédagogue et enseignant français, de son véritable nom Léon Rivail, a codifié le spiritisme en 1857. Cette philosophie spiritualiste donnera naissance à un mouvement socio-culturel en Europe, puis fera de nombreux émules en Amérique latine et notamment au Brésil. Les principes de cette philosophie seront exposés dans le fameux Livre des esprits. Le spiritisme est fondé sur  la croyance en Dieu, la réincarnation et répond à des lois morales. L’utilisation de l’énergie spirituelle, appelée périsprit, permettra ainsi aux médiums d’entrer en contact avec les défunts. Selon cette doctrine, l’être humain est composé de trois éléments : le corps physique, l’esprit et le périsprit, cette énergie qui met en mouvement nos organes et détermine notre force.  Accepter l’existence de Dieu, la vie éternelle et la réincarnation sont autant de préalables au bon déroulement de ces pratiques. A cette époque, le spiritisme se veut moins vulgarisé qu’aujourd’hui et se positionne entre science et religion. On utilise alors des termes savants tels que doctrine, philosophie, Kardécisme, religion des esprits…

En réalité, tout a commencé aux États-Unis avec les sœurs Fox, dans l’Etat de New-York en 1847. La famille vivait dans une ferme de Hydesville où les filles entendaient des bruits et  des coups dans les cloisons et les meubles leur répondre de façon claire. Et, de fil en aiguille, ce phénomène se fait largement connaître à travers tout le pays. Puis, il gagnera l’Angleterre où les tables tournantes seront à la mode jusqu’en France. Léon Rivail sera également intéressé par ce phénomène qu’il étudiera avec beaucoup d’observations et de questionnements. Il assistera à de nombreuses séances de spiritisme où les tables sont magnétisées et où l’on échange avec les défunts. Il écrira le livre des esprits et très rapidement le succès entraînera une telle popularité du phénomène que malgré lui, naîtra ce courant de pensée. Après cette publication théorique, suivra son pendant expérimental, le livre des médiums en 1861. Et le spiritisme se propagera à travers toute la France en donnant naissance à des des centres  spirites. A. Kardec  voyage beaucoup et donne des conférences dans des salles pleines de monde. Progressivement, il s’attachera à prendre en main des œuvres philanthropiques et sociales œuvrant pour les plus défavorisés  et laissera aux autres la partie expérimentale. En 1869, il meurt d’un anévrisme. Au fil des années, et notamment à partir de 1917, sous l’influence du Vatican qui interdira aux catholiques de participer à des séances de spiritisme, le phénomène connaîtra son déclin. De là, divers courants apparaîtront avec la métapsychie, la parapsychologie.. Et le 20 e siècle voit s’éteindre peu à peu cette frénésie du spiritisme en France. Les intellectuels Brésiliens prennent le relais.  Le spiritisme s’installe et se déploie davantage en Amérique latine. Patrie d’adoption,  le Brésil devient le fief du spiritisme. C’est la troisième religion. C’est quasiment, une institution dont les œuvres sont reconnues d’utilité publique (crèches, orphelinats, dispensaires, maisons de retraites…). Les hôpitaux psychiatriques spirites sont subventionnés et l’on considère même que les troubles mentaux ont pu être la conséquence d’une vie antérieure ou l’influence d’esprits. Les pays voisins comme le Mexique, l’Argentine ou Cuba sont également adeptes de spiritisme. Sur le continent européen, l’Islande reste le pays le plus marqué par cette influence.

Concernant les techniques  employées, les adeptes du spiritisme utilisent plusieurs méthodes, celle de la typtologie, de la table, du verre, du oui-ja, de la transe médiumnique, des transcommunications et des voix directes, ou encore celle du channeling, boule de cristal, pendule, cartes… En pratique, si une séance de spiritisme permet de parler avec les âmes de personnes décédées, elle n’offre pas le choix des esprits avec lesquels on désire communiquer. Il est donc possible de se retrouver en face d’un bon, comme d’un mauvais esprit. La prudence est donc de rigueur dans l’accompagnement d’avec un  réel spécialiste ou médium. Comme à travers tous les types de médiumnité, il est très facile de tomber entre les mains de personnes malveillantes et peu scrupuleuses.  Force est de constater que si une personne est amenée à consulter  cela signifie qu’elle est en état d’inquiétude, qu’elle s’interroge quant à son avenir, que la disparition d’un être proche se fait pesante. Bref, on imagine aisément que cette personne s’est retrouvée fragilisée et qu’elle a besoin d’aide.

D’après les praticiens, il faut respecter certaines règles afin d’éviter que de mauvais esprits errent autour de nous et nous agressent. Ce mauvais esprit peut conduire l’individu à la dépression et même le rendre fou. On ne peut pas faire appel à un esprit en particulier  et l’on doit accepter celui qui vient à nous. Ces esprits ont une force que l’homme ne possède pas donc il faut le respecter afin que l’échange se déroule au mieux. Il pourra alors nous informer, consoler, soutenir, conseiller… Il y a différents esprits, ceux qui font partie des personnes que l’on a connues, amis, famille qui viendront pour l’essentiel consoler, ceux considérés comme appartenant à un ordre supérieur et dont le rôle est de permettre à l’homme d’accéder à une démarche spirituelle pour vivre mieux, ceux d’un ordre moyen venus soutenir dans une épreuve où guider dans un choix, ceux, venus informer d’un événement ou encore ceux, venus demander de l’aide car ceux sont des esprits errants ou encore terrestres qui ne sont pas encore parvenus à franchir l’au delà. Ils auront en effet, besoin de prière ou autre intervention pour regagner leur dernière demeure. En principe, lors de l’invocation, lorsque l’esprit apparaît,  on est censé reconnaître s’il est bon ou pas. Le bon esprit procure un sentiment de  paix, d’harmonie, de bonheur alors que le mauvais vous transperce d’angoisse, de sueur froide et vous donne envie de fuir, de tout quitter.

La plupart des personnes qui se sont essayées au spiritisme entre amis, le soir,  dans l’obscurité de leur appartement, font part d’expériences étranges, parfois manquant de sérieux ou justes drôles. Beaucoup, en sont ressorties étrangement perturbées car une présence s’est bien faites ressentir, le verre a bougé et elles ont eu des réponses à leurs question…..D’autres,  regrettent de s’être aventurées dans le monde des esprits car elles estiment que les rencontres leur ont été douloureuses et négatives ( peur, mal être, souffrance, possédées…). Certaines sont tombées dans une forme d’addiction qui rend leur vie impossible. S’adonner au spiritisme sans aucun encadrement peut engendrer un climat,  pour le moins déstabilisant,  autour de soi avec une dépendance hors du commun et un état frôlant la paranoïa. Si l’on est perturbé par des visites nocturnes d’âmes errantes la nuit, une jeune réunionnaise recommande de recupérer de l’eau bénite à l’eglise et de faire bénir du gros sel par la même occasion. Ensuite, il faudra placer le sel aux quatre coins de la maison et réciter des prières d’invocation à la  Sainte Croix. Aujourd’hui, tout le monde est connecté et la génération 2.0 trouve davantage de réponses à ses questions avec l’au delà en un simple clic. Sur certains sites, il suffit de faire part de son questionnement et déposer sa requête, ensuite un médium vous répond. Évidemment, l’internaute est conforté dans sa démarche. On lui dit que sa requête est légitime, qu’il a tout à fait raison d’entrer en contact avec l’un de ses parents défunts. On lui donnera des conseils sur l’heure où le moment le plus propice à l’échange, le type d’information qu’il peut recevoir, le support (image, vision, sensation…). Il est certain qu’à partir du moment où le service est monnayé, le pseudo médium mettra tout en œuvre pour vous faire plonger dans les méandres de l’au delà. Son intérêt est de faire en sorte que vous même soyez persuadé du bien fondé de votre démarche et qu’à aucun moment vous n’ayez de regret ou de doute quant à sa capacité de communiquer avec les défunts.  

C’est ainsi qu’une jeune femme, convaincue par amie dont l’expérience avec une médium spirite, prénommée Françoise fut positive, accepta de se rendre au cabinet pour une consultation. Lors de la prise de rendez-vous la voyante spirite lui demanda sa date de naissance et son prénom afin de lui préparer un topo et lui indiquer qui était son ange gardien. Dans une pièce attenante à son appartement, Françoise reçoit la jeune femme sans se lever de son siège. Le décor est, somme toute,  classique et très basique : bougie, ange en porcelaine, représentation du christ et de la vierge sur des images … Dans son petit bureau de  9 m2, où trônent une petite table avec son fauteuil, celui du client en face d’elle, une vitrine avec quelques bibelots et une petite banquette, Françoise reçoit pour la somme de 63 euros la séance. A peine un regard échangé avec sa cliente, elle se met à lire les deux pages qu’elle a pris soin de rédiger. La jeune femme marque quelques haussements d’épaules. Il semble que les propos de Françoise soient un peu trop généralistes. “ Vous êtes triste, vous devez franchir un nouveau cap.. Grâce à votre date de naissance, je sais que votre ange s’appelle Mikael..Je vais vous dire comment vous êtes perçu par votre guide. Vous seule pouvez vous reconnaître. On dit de vous que vous êtes dotée d’une grande sensibilité et d’une grande intuition . Votre guide me dit : Vous avez besoin d’être heureuse et de vous réaliser, ce qui n’est pas votre cas en ce moment !.” Au bout de quelques minutes, la jeune cliente interrompt Françoise en lui demandant comment elle peut avoir davantage d’informations sur son guide. La voyante lui répond très agacée : “ Ben,  c’est lui qui les donne, c’est pas à vous de lui demander. Vous voyez le mien , il est en Égypte…. “ Elle noie le poisson. Lorsque la cliente lui fait remarquer qu’elle ne lui a donné que des généralités, Françoise sort de ses gonds et son visage rougit encore davantage : “moi je vous répète ce que votre guide me dit”. Elle essaie de ne pas perdre le fil de ses idées et répète les mêmes informations formulées de manière différente. A l’aide des cartes qui étaient posées de façon complètement négligée dans un serre-livre, elle lui tire les cartes et encore une fois répète les mêmes phrases. On me dit: “ vous allez prendre un autre chemin…” La jeune cliente, visiblement déçue de la prestation, demande à Françoise des nouvelles de ses parents. “”Votre père est âgé mais il va bien.” La c’en est trop ! La Cliente lui répond : oui sauf qu’il est décédé ! Embarrassée, Françoise cherche un subterfuge : “votre relation est tellement profonde qu’il est là, à vos côtés “…. Ni l’une,  ni l’autre n’abandonne.  “Alors donnez-moi un élément précis, une anecdote à propos de mon père, un élément qui m’indique que l’on parle bien de lui ?” Lui demande la cliente. Là médium se crispe : “il me dit, pourquoi voulez vous savoir quelque chose que vous savez déjà !! Il me dit : “vous n’êtes pas dans un jeu de devinettes”  ! Très stoïque et calme, la cliente lui répond : “ d’accord”. Ensuite, la voyante lui parle de sa mère et lui indique que les parents ne sont pas ensemble car ils n’ont pas le même niveau de croyance. Elle ferme les yeux , appuie sur sa tempe comme pour recevoir une information qui arrive de façon trop bruyante à elle : votre guide me dit… Lorsque la jeune femme reprend la médium lui précisant qu’elle vient d’employer un terme que justement sa mère ne cautionne pas,  la spirite se fâche et lui dit qu’elle peut très bien arrêter la séance. La jeune cliente reste perplexe et s’interroge à propos de son guide : comment être sûre que ce guide soit réellement mon guide ? J’ai le sentiment qu’il ne me connaît pas !” En effet, la réponse suivante, liée au domaine professionnel s’avère traiter d’un secteur bien  loin de celui dans lequel exerce la cliente. Elle fait part de son désir d’arrêter la séance et la médium lui répond que c’est préférable si elle ne s’entend pas avec son guide. La jeune femme lui répond que ce guide n’est pas en adéquation avec elle et qu’il lui semble donc inopportun de continuer. Elle lui règle la séance malgré ce sentiment d’insatisfaction total et quitte le cabinet. L’expérience de cette jeune femme montre à quel point une séance de voyance, de spiritisme tient à un fil. Si l’on est fragilisé, en manque de confiance et d’argument, on peut très rapidement tomber sous le joug de personnes peu sérieuses et incompétentes dont le seul but est de faire commerce d’une pratique dangereuse. Il est certain qu’une personne malléable va rentrer dans le jeu du médium, d’autant que la référence aux proches défunts, sera toujours empreinte d’une certaine bienveillance. Leurs conseils avisés, leur affection et leurs pensées ne peuvent que panser les blessures d’un être en souffrance. Et vient ensuite la question du libre arbitre, à quel moment le client sera maître de son destin ? Ces pratiques ne vont elles pas créer une certaine forme de dépendance et d’addiction ? Il est relativement aisé de déceler les failles et faiblesses d’un individu pour orienter une séance. Peut être vaut-il mieux invoquer soi même son guide et l ‘interroger ?  Pour beaucoup, les séances de spiritismes s’exercent en groupe car c’est le moyen d’invoquer le monde des défunts sans s’égarer et en bénéficiant de l’appui des autres. Par contre,  il faut également se montrer capable de recevoir et ‘être touché par l’émotion de l’autre, de cette personne qui aura pu entrer en contact avec un proche défunt. Le bon déroulement d’une séance de spiritisme  tient au fait que chacun doit être partie prenante du projet. Sinon, la séance est avortée et les communications seront impossibles ou fausséees.

Vivre une expérience spirite sans engendrer de troubles au niveau spirituel ou psychologique requiert une vigilance extrême mais nul n’est à l’abri d’une mésaventure tant les arnaques liées à ces pratiques sont nombreuses.

YG

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