INSEE - VOYANCE : Les mauvais chiffres

L’INAD est consulté régulièrement par toutes sortes de médias (presse écrite, télés, radios) aux fins de connaître le chiffre d’affaires généré par le monde de la voyance et des arts divinatoires. Pour l’Inad, la florissante pratique des arts divinatoires dégage un chiffre d’affaire annuel d’au moins 3 milliards d’euros. Or on se rend compte que cette donnée se trouve en contradiction avec l’estimation livrée par l’INSEE. Celle-ci, qui remonte à 2008, donne un montant de 70 millions d’euros par an.

Nous trouvons tout de même curieux que cet organisme (dont les informations sont une référence pour les médias, l’administration et le public) n’ait pas pris la peine d’étudier plus profondément cette profession qui regroupe des dizaines de milliers de praticiens, consultés régulièrement par des millions de consommateurs. Déjà en 1988, un mémoire de l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) de Bordeaux avait avancé le chiffre gigantesque de 7 milliards de francs. Quant au Ministère de l’Economie et des Finances, il estimait, en mars 2000, que ce chiffre d’affaires atteignait la somme colossale de 23 milliards de francs soit 3,2 milliards d’euros. Comment expliquer alors cette énorme différence d’estimation concernant les sommes générées par le monde de la voyance? Curieusement, depuis 2008, aucune statistique, aucune étude n’a été réalisée et publiée à ce sujet par l’INSEE …

Selon l’Inad, plusieurs anomalies dans la méthode statistique ont induit cette énorme erreur dans le calcul du chiffre d’affaires des arts divinatoires. Le résultat affiché par l’Insee se situe donc bien loin de la réalité. Le problème n’est pas du fait de l’Insee, mais de l’Etat. En effet, la majorité des arts divinatoires n’est pas reconnue par l’Etat. Seuls les astrologues et les spirites sont reconnus et affiliés sous la nomenclature NAF 96.09Z. Une section fourre-tout où l’on retrouve également les tatoueurs, les toiletteurs pour chiens ou encore les photomatons. Comment dans ce cas-là, émettre des statistiques valables sur les arts divinatoires? Surtout quand on sait que bon nombre de charlatans et d’affairistes, et notamment les grands cabinets de voyance par téléphone ou par internet, se déclarent dans la rubrique “gestion des biens et des affaires” ou dans celle regroupant les “conseils et services informatiques”. Il existe même une “voyante” du sud-ouest qui s’est déclarée en tant qu’éleveuse de bétail ! Sans oublier la multitude de petits margoulins qui oeuvrent au noir. Rien qu’en tenant compte du chiffre d’affaires obtenu par les grandes sociétés de voyance à distance, on s’aperçoit vite que les chiffres avancés par l’Insee sont erronés. En quelques clics, et sans s’embarquer dans des calculs statistiques fumeux, l’Inad a relevé que le chiffre d’affaires de 2 plateformes spécialisées dans la voyance à distance dépassait les 36 millions d’euros. Multipliez ce chiffre par les centaines de plateformes, services audiotels et autres sites dédiés, vous comprendrez vite que le chiffre d’affaires des arts divinatoires est gargantuesque. Du coup, à l’instar de l’Inad, vous vous demanderez pourquoi l’Insee, et plus généralement l’Etat, continue d’ignorer cette énorme gabegie que représentent les escroqueries à la voyance. Il faut en effet savoir que le nombre de praticiens des arts divinatoires est d’environ 100.000, bien plus que d’avocats et de prêtres réunis, trois fois plus que de psychologues. Et on estime que plus des deux tiers des praticiens des arts divinatoires sont des charlatans. De nombreuses plateformes dirigées par des affairistes spécialisés dans la voyance illusoire, comptent plus de 200 voyants, dont  les 3/4  sont des illuminés, des charlatans, de simples étudiants ou des commerciaux formés pour la circonstance et baptisés pompeusement “ conseillers” ou “experts”. Des spécialistes qui ne sont en réalité que des experts aveugles et des voyants myopes, susceptibles d’être poursuivis pour usurpation de titre et escroquerie en bande organisée.

La publicité mensongère est devenue un atout de poids pour les plus grandes plateformes de voyance. Ces dernières conseillent même à leurs collaborateurs d’utiliser un nom d’emprunt, des photos ‘‘DECO’’ et de s’affubler de titres aussi imaginaires que farfelus pour attirer le maximum de clients. Ou plutôt de victimes. Des personnes toujours déconnectées de la réalité à cause de problèmes personnels souvent graves (maladie, pauvreté, solitude). Des personnes fragiles, faciles à manipuler pour obtenir beaucoup, beaucoup d’argent.

Entre des chiffres erronés, des professionnels autoproclamés et à multiples facettes, ceux qui utilisent la publicité mensongère (souvent les mêmes), le consommateur est une victime en puissance, avant même la consultation. En effet, dès qu’il envisage de faire appel à un voyant, un astrologue ou un marabout, il a de fortes (mal) chances de tomber dans l’engrenage infernal de l’escroquerie à la voyance.

Il est incroyable de constater qu’en France où les normes et les obligations légales sont bien supérieures à celles mises en place par l’Europe, il puisse encore exister cet énorme marché de l’escroquerie au vu et au su de tout le monde.

Devant ces faits qui sont, hélas, trop souvent avérés, il nous semble qu’il va de la responsabilité des pouvoirs publics de réagir afin que cette profession soit clairement reconnue, définie et réglementée, et ceci dans l’intérêt des clients-consommateurs et des professionnels honnêtes et rigoureux. .

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