Vies antérieures

Les charlatans du passé

C’est au XIXème siècle que l’étude des doctrines hindoues relança l’idée de la réincarnation, occultée depuis l’antiquité par la censure de l’Eglise qui en faisait une hérésie majeure depuis la condamnation d’Origène, le grand Docteur d’Origène, le grand Docteur d’Alexandrie, champion malheureux de la transmigration des âmes. Seuls les cercles romantiques, romantiques, artistiques, si foisonnant dans ce XIXème siècle accueillirent généreusement cette philosophie étrangère, tandis que le matérialisme scientifique tout imbu de ses découvertes, la rejetait comme une nouvelle superstition trois quart de siècle plus tard, la doctrine de la transmigration imprégnait insensiblement tout le monde occidental. Prorogée par de nombreux livres, articles, conférences, tribunes et débat, relayée par les médias, radio, télé, cette idée nouvelle (vieille comme le monde) se rependit dans le public, gagnant petit à petit toutes les couches de la société. En Amérique, un psychiatre réputé, le professeur Ian Stevenson publiait des enquêtes, fruits de vingt ans de recherches, sur des personnes qui affirmaient se « ressouvenir » de leurs vies passées. Parallèlement, les livres du docteur Moody, d’Elisabeth Kubler Ross, psychiatre également, et du Docteur Kennerh ring, cardiologue, traitant de la survivance de l’âme et des vies antérieures vécues par leurs patients, ces livres faisaient un véritable tabac. Car, à la faveur de la mystique consolante d’un Eternel Retour, la mort elle-même changeait tout doucement de visage. Ce n’était donc plus l’extinction définitive. Avec la réincarnation en perspective, on pouvait renaître, réintégrer un corps neuf, jeune, plein d’aptitudes nouvelles : une fois, deux fois, plusieurs fois… On venait pour réparer des erreurs, revivre ou continuer des amours ou des haines, reprendre une œuvre interrompue, un talent négligé, mille et une possibilités. C’était une seconde chance ! Se penche sur son passé antérieur expliquait peut-être la médiocrité de la vie présente, cette vie de tous les jours, plate et monotone, sans éclat, avec son cortège de soucis, de stress et de peurs. C’est dans ce contexte intéressant que de faux thérapeutes, mais par ailleurs vrais charlatans des Arts-Divinatoires, concoctèrent des arnaques fructueuses se conjuguant au passé. Bien sûr ce n’était pas le banal « je suis » que venait chercher chez eux le client en mal de vivre, mais grâce au racolage d’une publicité tapageuse, c’était plutôt l’extraordinaire « je fus » qui allait lui permettre de reconditionner sa vie quotidienne par le dévoilement d’une mémoire antérieure porteuse d’un riche enseignement. Malheureusement, dans la pratique faussement spirituelle que ces escrocs appellent » recherche sur les Vies Antérieures » il n’y a de « riche » que les honoraires qu’ils en retirent au détriment des naïfs qui viennent les consulter en toute bonne foi. Ces naïfs ne peuvent se contenter de leur lot, souvent petit et modeste, plein de frustrations affectives et sociales. Consulter un voyant pour savoir si leur destin va s’améliorer, cela ne les intéresse pas. Il y a longtemps qu’ils ont dépassé la banalité de cette démarche, Ils aspirent à quelque chose de plus fort. Si dans cette vie ils ne sont « tien » ou si peu, ils pensent que la découverte de leur passé va compenser l’étroitesse de l’existence par l’enjolivure d’un rôle de premier plan qu’ils ont vécu un jour… dans une autre vie. Que fait le naïf quand il découvre dans un magazine cette alléchante proposition « Découvrez vos vies antérieures » par le célèbre médium J.. D.. On ne sait pas s’il est «célèbre» (car c’est bien ainsi qu’il se présente), mais médium il le prétend puisqu’il s’est fait une spécialité de ce créneau fructueux de déchiffrage » des autres vies que vous avez vécues » Un malin, certes, qui peut faire ce travail par correspondance, il n’a même pas besoin de la personne en chair et en os Plusieurs de ses collègues utilisent plus ou moins un semblant d’hypnose, pour faire plus crédible. Lui, non. Une simple lettre et hop ! Il voit le défilé du passé. Et qui pourrait le prendre en défaut de ce qu’il avance comme une certitude ? » A beau mentir qui vient de loin » dit le proverbe. Peut-on venir de plus loin que des siècles et des siècles en arrière. Aucun contrôle. Toutes les élucubrations sont permises. Plus la personnalité « retrouvée » est chatoyante, plus le client sera content, même et surtout s’il ne s’en souvient pas. Son imagination va broder sans fin sur ce qu’il « fut ». Cependant, à la longue, confronté jour après jour à l’ordinaire de sa vie présente, tout ce charabia antérieur risque de faire plus de mal que de bien.

Voici un échantillon de cette parodie passéiste: « Je suis serveuse dans un restaurant dont les clients sont presque tous du Moyen- Orient. Je me sens proche d’eux. Leur musique me touche au fond de l’âme. Pourquoi ? »

L’inénarrable réponse fuse aussitôt. Le « célèbre » médium a fouillé les archives du passé -»Chère S… je suis persuadé que vous avez déjà vécue au Moyen- Orient. Ma « vision » me montre un homme du XII’ siècle, très élégant. Il me semble que vous étiez chargée d’organiser des cérémonies et des soirées raffinées pour le compte d’un potentat local, un roi ou un vizir… Ce rôle vous le remplissiez à la perfection. Au contact des musiciens vous avez appris à chanter. Aujourd’hui ce passé musical vous revient et vous allez acquérir une certaine importance (?) dans un nouvel emploi. Vous avez un » karma » favorable grâce à vos bonnes actions réalisées dans vos vies passées. On reste confondu devant la platitude et la niaiserie de ces propos. Penser que ces « consultations » se font sur le reçu d’une lettre sans contact aucun. Il y a là véritablement une extralucidité phénoménale! Et quelle absurdité de la part de ce « célèbre » médium de parler de « karma » comme s’il se prenait pour le Dieu Osiris effectuant la pesée de l’âme ! Qui petit savoir la quantité de bonnes ou de mauvaises actions qui conditionnent chaque vie?

Un autre exemple « Je suis très timide sur le plan affectif Je manque de confiance en moi. Je me cache sous une apparence de froideur. D’OÙ me Vient ce blocage?» Superbe réponse du praticien : “En me concentrant sur votre photo je vous ai vu vivant sur une île sans possibilité de vous évader (genre Robinson Crusoé !). Vous aviez votre petite maison, votre jardin, le soleil, mais vous avez beaucoup souffert de la solitude, Dans votre vie actuelle tous ses blocages vont disparaître, si vous savez oublier la rancune et la violence que vous éprouvez encore pour ce passé. Essayez de changer’’. Le n’importe quoi de cette analyse ridicule saute aux yeux instantanément. Le conseil du médium « changez» ressemble au cautère sur une jambe de bois. On s’effare à la pensée de tous ces naïfs qui reçoivent de telles directives inconsistantes, un attrape -gogo sans risque qui ne tombe pas sous le coup de la loi !
La régression vers les vies antérieures n’est pas une vue de l’esprit. Cela existe mais ce n’est pas à la portée du premier venu, fut-il un « célèbre » médium. Les faux thérapeutes visent plus le succès commercial que l’enseignement spirituel de la loi de réincarnation et de son corollaire le karma. Cette recherche du sensationnel à tour prix et l’excès de simplification qui caractérisent ces expériences frauduleuses, bafouent une loi spirituelle dont la grandeur échappe aux trafiquants patentés de l’âme humaine. Le karma vient d’un mot sanscrit qui veut dire -action- c’est la loi de cause à effet et ce sont nos propres actions bonnes ou mauvaises qui en déterminent l’application. En somme, la fameuse justice immanente qui rend compte de l’aphorisme » on récolte ce que l’on a semé ». C’est dire que, en toute logique, le karma porte ses fruits. De plus, inconsciemment nous fabriquons tous les jours du karma qui s’ajoute au karma antérieur. Partant de là, nous voyons que notre destin est entièrement forgé par nous même. La roue universelle tourne et nous tournons avec elle. Inutile donc par une curiosité frivole d’aller pêcher dans des vies antérieurs bidons des personnalités prestigieuses. Cela n’a aucun sens et ce curetage commercial des coulisses de l’Au-delà est plus nuisible que bienfaisant. Louise Falba

•article paru dans INAD- Consommateurs Hors série N° 1

Prince Paul Mourousy: « vous pourrez constater que tout le monde a été un Mozart, Attila, ou Louis XIV…Personne n’a été un humble concierge ou marchand de bananes dans les rue du caire »

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