Devoirs et pouvoirs du voyant et de l'astrologue

Nous dirons, en paraphrasant ce qu’on dit des tragédies de Racine et de Corneille, que le voyant annonce qui va réellement se passer et l’astrologue ce qui devrait se passer, si tout se passait normalement.

L’astrologue serait ainsi le gardien d’une norme de vie tout en sachant que cette norme ne sera pas nécessairement respectée. Le destin “tout tracé” que propose l’astrologue ne s’accomplira pas forcément. En fait, et on peut le regretter, l’astrologue ne s’en tient pas toujours à un tel cahier de charges et, bien souvent, force quelque peu sa science en prétendant “coller” au plus près avec la réalité, et refusant de s’en tenir à la virtualité. Pour notre part, il conviendrait pour l’astrologie, dès lors qu’elle dépasse ses bornes naturelles de faire machine arrière.

Non pas certes, que l’astrologie n’ait vocation à prévoir mais toute la question est de délimiter ce qu’il faut entendre par prévision astrologique.

Pour la plupart des gens, on prévoit ou l’on ne prévoit pas : il n’y aurait pas de moyen terme. Nous dirons que rien n’est définitif, sauf la mort. Dès lors une prévision ne peut être que provisoire. C’est le client qui conférera un caractère final à une situation de par sa volonté. Le rôle de l’astrologue, au fond, consisterait à gérer ce qui se passe après la prévision, de montrer comment et surtout quand les choses peuvent rebondir, en bien comme en mal et toujours de façon temporaire, puisque cyclique. Déontologiquement, ce n’est donc pas que l’astrologue ne doit pas prévoir mais qu’aucune de ses prévisions ne saurait avoir un caractère définitif car c’est en contradiction avec l’esprit de l’astrologie. En d’autres termes, l’astrologue ne saurait émettre que des prévisions relatives à un moment donné mais il ne saurait se contenter de le reconnaitre, il doit présenter les choses dans une perspective de plusieurs années. Mais l’astrologue ne peut pas donner plus qu’il ne peut donner : prenons un exemple: un astrologue annoncera des voyages mais il ne saura dire si ceux-ci se passeront bien, tâche qui revient au voyant qui va “voir” un accident. L’astrologue ne “voit” pas, il “dit” et c’est pourquoi il est assez ridicule de voir les astrologues préférere le terme “prévision” à celui de “prédiction” alors même que prévision est étymologiquement à rapprocher de voyance, de clairvoyance, de “visions”. Dans le cas de la météo, cela se conçoit mieux parce que l’on travaille sur des photos, sur des schémas mais nous ne conseillons pas aux astrologues d’emboiter le pas aux météorologues au chapitre des prévisions. D’ailleurs, dans la conversation, “je dis” passe mieux que “je vois” car je dis est subjectif et je vois se veut objectif.

Le piége dans lequel nombre d’astrologues tombent, c’est au lieu de regarder si les configurations astrales qu’ils considérent correspondent à certaines situations, ils partent de situations frappantes pour remonter vers le ciel. C’est une très fâcheuse méthodologie si elle n’‘est pas étayée par une approche statistique, c’est à dire quantitative. En effet, l’astrologue n’a pas à rendre compte de tout ce qui arrive d’important à quelqu’un et à chacun ! L’astrologue doit avoir l’humilité de reconnaitre que certains événements marquants de la vie d’une personne ne s’explique pas par l’astrologie et notamment par le thème astral! D’ailleurs, l’approche statistique est inséparable selon nous du travail de l’astrologue car une même configuration doit avoir des effets minimaux sur tous les gens concernés ce qui ne signifie pas pour autant exactement les mêmes effets. L’astrologue, d’ailleurs, doit davantage montrer ce qui rapproche que ce qui sépare, ce qui devrait, en principe, le conduire à un travail ayant une valeur collective, concernant un grand nombre de cas individuels qui, dès lors, cessent d’être strictement individuels.

L’astrologie se situerait ainsi dans la mise en évidence de “dénominateurs commnuns” propres à un grand nombre de cas, simultanément. C’est dire que l’astrologue a besoin à la fois de perspectives suffisamment larges, à la fois dans le temps et dans l’espace.

Le voyant, a contrario, serait plus à même de se focaliser sur un individu donné, un destin bien précis, ses perspectives étant sensiblement plus bornées, ce qui convient à une clientéle qui ne veut pas avoir le vertige de panoramas trop amples.

L’astrologue garantit ainsi une certaine marge, une certaine liberté de manoeuvre à ses clients: une date n’est jamais qu’un stade et un autre stade suivra. Une configuration céleste exercera des effets sur un grand nombre de cas mais pas forcément sur la personne considérée, qui vient consulter, puisqu’il ne s’agit que d’une moyenne.

En pratique, force est de constater que l’astrologie se rapproche assez nettement de la voyance, qu’elle emploie souvent une terminologie manichéenne - bon et mauvais - alors que ces notions sont relatives, dépendent de l’angle adopté. Il serait bon que l’astrologie se satisfasse du créneau qui est le sien sans empiéter sur le territoire d’autres disciplines sauf si évidemment il est possible de démontrer que c’est telle ou telle discipline qui marche sur les plates bandes de l’Astrologie, à condition, toutefois, d’avoir préalablement défini ce qu”était l’astrologie, dans sa philosophie et de l’avoir purgée de facteurs qui la parasitent et la surchargent.

Parler donc de l’Astrologie, au singulier, est une gageure puisque sous ce titre, on aura fini par accumuler des données parfois incompatibles entre elles. Là encore, il y a une astrologie “normale” à restituer et une astrologie qui dépasse les bornes de l’astrologie “naturelle”. Il ne s’agit pas simplement d’un probléme d’application mais bien de branches improprement rajoutées sur son tronc et qui cachent celui-ci, d’où l’urgence d’élaguer.

Jacques Halbronn (Conseil Supérieur de l’Astrologie Française, CSAF)

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